À peine deux ans après DRIVE qui l’avait révélé au grand public et dont le succès avait été incontesté, tant public que critique, le réalisateur danois Nicolas Winding Refn revient sur nos écrans avec le très attendu ONLY GOD FORGIVES. Comme son prédécesseur, ce film est sélectionné en compétition officielle au Festival de Cannes (on rappelle qu’en 2011, DRIVE avait reçu le Prix de la mise en scène).
Julian (Ryan Gosling) a fui la justice américaine à Bangkok, et y dirige un club de boxe thaïlandaise servant de couverture à son trafic de drogues. Lorsque son frère Billy est assassiné par le père d’une jeune prostituée – que Billy avait lui-même sauvagement massacrée -, Crystal (Kristin Scott Thomas) la mère de Julian, débarque alors dans la capitale thaïlandaise : elle exige de son fils la vengeance de la mort de son aîné.
Nicolas Winding Refn est un cinéaste radical à la filmographie assez passionnante. Ne faisant aucune concession, il propose souvent une mise en scène sombre et jusqu’au-boutiste, épurée et exigeante à la fois. En réalisant DRIVE en 2011, il accédait à une renommée mondiale, salué par tous les critiques, tout en conservant une position de metteur en scène indépendant. Il réussissait surtout l’alchimie quasi parfaite entre une esthétique visuelle singulière (souvent rapprochée de celle de Michael Mann), une narration tendue à l’extrême, une violence fascinante et maîtrisée, et un acteur principal au diapason, sublimé par une caméra qui n’avait d’yeux que pour lui.
ONLY GOD FORGIVES est tout à la fois dans la continuité de DRIVE, et en même temps en rupture avec le précédent long-métrage du réalisateur. Pour être tout à fait exact, ONLY GOD FORGIVES semble tenter un mix un peu hasardeux entre l’esthétique lumineuse de DRIVE, et la mise en scène lente et contemplative de VALHALLA RISING (LE GUERRIER SILENCIEUX) que Refn avait réalisé en 2010, avec Mads Mikkelsen dans le rôle principal.
ONLY GOD FORGIVES s’ouvre par vingt minutes quasiment sans dialogues, juxtaposant des séquences habitées par une étrangeté malsaine et érotisée, qui tentent d’imposer au spectateur une ambiance inquiétante. On oscille entre des scènes du réel et des scènes rêvées, et, perdus dans d’infinis couloirs sur-éclairés, on sent flotter un parfum de David Lynch dans ce début de film. On pense notamment à LOST HIGHWAY, une impression d’autant plus renforcée lorsque l’on découvre plus tard dans le film une Kristin Scott Thomas aux cheveux blonds décolorés et outrancièrement maquillée, qui n’est pas sans nous rappeler Patricia Arquette chez Lynch.
L’actrice nous épate dans son rôle de mère castratrice en mode reine White Trash du crime organisé, cependant à l’image des autres personnages du film, on en sait peu sur elle. L’idée d’évoquer un complexe d’Oedipe entre elle et son fils cadet Julian, était plutôt intéressante, mais l’on reste ici très en surface de ce sujet pour uniquement l’effleurer sans en faire grand chose.
L’un des principaux soucis de ONLY GOD FORGIVES, au-delà du fait que le rythme de l’ensemble a du mal à s’accorder avec la tension recherchée par le metteur en scène, c’est peut-être cet amour sans limites que semble porter Nicolas Winding Refn à son comédien principal. Les plans fixes sur Ryan Gosling deviennent innombrables sans forcément faire sens, et malgré le physique agréable de l’acteur, on finit tout de même par s’interroger sur cette obsession. D’autant que paradoxalement, c’est dans les scènes où il est absent que l’on se rattache le plus au récit. Ryan Gosling semble errer dans cette Thaïlande onirique et glauque sans jamais vraiment savoir ce qu’il fait là.
Film ultra violent mais finalement à l’image de l’ensemble de la filmographie du réalisateur danois, ONLY GOD FORGIVES offre certes une expérience cinématographique non dénuée d’intérêt, hypnotique par moments, et dont la mise en scène est tellement maîtrisée que le talent prodigieux de Nicolas Winding Refn n’est évidemment plus à prouver.
Cependant, trop d’ellipses finissent par tuer l’ellipse, et surtout on reste un peu sur notre faim face à ce long-métrage qui ouvrait la porte à plusieurs thèmes et sujets hyper intéressants, mais dont Refn se refuse à donner un peu plus de consistance.
ONLY GOD FORGIVES, sortie en France le 22 mai 2013.
[youtube]http://youtu.be/VoPNH8VqDvM[/youtube]
Article rédigé par Elle.
4 réponses sur « ONLY GOD FORGIVES : les limites du cinéma de Nicolas Winding Refn ? »
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[…] qui lui a offert ses deux rôles les plus intenses jusque lors (DRIVE en 2011, et le percutant ONLY GOD FORGIVES en 2013), il n’est pas très étonnant de voir Ryan Gosling être piqué par l’envie de […]
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