CARBONE : spirale infernale

Cinquième long-métrage en tant que réalisateur pour Olivier Marchal, CARBONE prend directement sa source dans une affaire qui a défrayé la chronique, surnommée même ‘le casse du siècle’ : entre 2008 et 2009, un groupe d’une douzaine d’individus au total organisent la ‘Carbone Connexion’, une arnaque tentaculaire visant à détourner les avantages fiscaux offerts à l’époque aux entreprises qui polluent le moins.

De cette surréaliste et complexe fraude fiscale (dont les détournements s’élèveront à plusieurs milliards d’euros au final), Olivier Marchal en tire un polar noir, haletant et viscéralement intense, porté à la fois par une mise en scène sobre et intelligente, et un casting irréprochable.

CARBONE n’est pas tant le récit d’une fraude de grande envergure que l’histoire d’hommes appâtés par un gain XXL, entraînés dans une chute inexorable et pourtant si brutale lorsqu’elle survient.
S’écartant quelque peu de ses précédents films où il traitait d’histoires du grand banditisme ou de flics pourris, Olivier Marchal réussit à trouver ici la matière à un film sombre et violent, mais qui lui permet de donner un nouvel élan à son cinéma.

Avec une mise en scène plus posée, plus dépouillée, mais qui n’en demeure pas moins soignée et pertinente (gros boulot du directeur de la photo Anthony Diaz), CARBONE laisse ainsi toute la place aux acteurs, tous au diapason ! En tête, Benoît Magimel (quasi omniprésent à chaque scène) bouffe littéralement l’écran, et impose son jeu maîtrisé, hautement magnétique, brûlant jusqu’à s’en cramer les ailes, le tout avec une forme d’inextricable mélancolie.

Autour de lui, les seconds rôles excellent, de Michaël Youn dans un inattendu costume d’expert comptable tout à fait crédible, à Gringe (l’acolyte du rappeur Orelsan) la révélation du film, en passant par Dani absolument géniale dans son rôle de matriarche juive revenue de tout, et Laura Smet, un peu plus en retrait mais qui surmontent quelques séquences de pure violence avec beaucoup de justesse.

Dans ses interviews promo pour le film, Olivier Marchal cite volontiers (et humblement) A MOST VIOLENT YEAR du réalisateur américain J.C. Chandor comme une de ses sources d’inspiration pour mettre en scène CARBONE, et c’est vrai qu’il y a de cela. On peut aussi penser aux films du regretté Sidney Lumet, maître dans l’art de raconter ces histoires d’infernales spirales dans lesquelles l’être humain est capable de se jeter tête la première.

Ce qui est certain, c’est que CARBONE se révèle prenant, captivant, et toujours parfaitement crédible en dépit de la démesure de ce qu’il raconte. Il le doit notamment à des dialogues percutants, réalistes et qui n’en font jamais trop, un défaut que l’on pouvait reprocher parfois dans les précédents longs-métrages d’Olivier Marchal
Et même lorsqu’il filme des séquences de débauche nocturne ou de profits boursiers à vitesse grand V, le réalisateur tient son cadre, garde le cap, et esquive habilement la tentation de l’excès à l’écran.

CARBONE aurait très bien pu s’intituler « Regarde les hommes tomber », car derrière cette escroquerie folle et démesurée, le film n’oublie jamais ses personnages, le profond spleen qu’ils portent tous quelque part en eux, et l’impitoyable machine à broyer que le destin peut être parfois, surtout quand on perd le fil de sa propre existence.

Variation sur le mythe d’Icare – celui qui se brûla les ailes à vouloir s’approcher trop près du Soleil -, CARBONE risque fort de compter parmi les meilleurs films français de l’année 2017, et en tout cas un des meilleurs signé Olivier Marchal jusqu’à présent.

CARBONE le film – le site officiel.

Pour en savoir plus sur la véritable Carbone Connexion.

CARBONE, sortie en France le 1er novembre 2017.

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Article rédigé par Elle.

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