Lance Armstrong, voilà un personnage et une histoire en or pour le cinéma ! De son règne sans partage sur le cyclisme pendant presque dix ans, jusqu’à sa chute inexorable pour dopage, sa suspension et le retrait de ses sept titres de vainqueur du Tour de France, Lance Armstrong ne pouvait pas vraiment échapper à un biopic sur grand écran.
Cependant, on est un peu surpris de voir le réalisateur britannique Stephen Frears s’emparer de ce sujet. Certes, le cinéaste âgé aujourd’hui de 74 ans, a déjà tourné plusieurs films racontant la vie de personnes réelles, on pense notamment au récent THE QUEEN en 2006. Néanmoins, on n’imaginait pas forcément Stephen Frears sur un sujet aussi contemporain que l’histoire d’Armstrong, et surtout dans un univers si singulier, complexe, et pointilleux que celui du sport, de surcroît le cyclisme.
THE PROGRAM s’inspire directement du livre écrit par le célèbre journaliste sportif David Walsh, intitulé « Sept péchés capitaux : ma poursuite de Lance Armstrong » et publié en 2012. Reprenant méticuleusement ce que raconte David Walsh dans son ouvrage, le film de Stephen Frears s’attache à décortiquer la machine Lance Armstrong, et comment le sportif a construit autour de lui pendant plusieurs années, un système de la gagne quasiment infaillible.
Le réalisateur Stephen Frears le répète à qui veut l’entendre, il n’a pas vraiment voulu réaliser un biopic de Lance Armstrong avec THE PROGRAM. Et c’est vrai que ce n’est pas exactement le propos de son film.
Le récit débute d’ailleurs au début des années 90, quand Armstrong n’est qu’un coureur en devenir, avec des capacités intéressantes mais pas forcément exceptionnelles. Il est certes champion des États-Unis et a un bon classement mondial par l’UCI, mais il se limite à gagner des étapes par-ci par-là sur les grandes courses, et manque surtout cruellement de capacités en montagne.
La vie de Lance Armstrong bascule en 1996 quand on lui diagnostique un cancer des testicules, ainsi que des lésions cancéreuses au cerveau. La carrière du cycliste s’arrête nette, il doit suivre une chimiothérapie très lourde. À cette époque, certains medias lui donnent peu de chances de survie.
Mais Lance Armstrong surmonte la maladie, se remet au vélo, retrouve une équipe qui va entièrement se construire autour de lui, s’entoure d’un nouveau manager, … et la suite on la connaît. De 1999 à 2005, il remporte sept fois de suite le Tour de France, un exploit sans précédent !
À moins d’avoir vécu dans une grotte et d’avoir été totalement coupé des medias, vous ne pouvez pas vraiment ignorer qui est Lance Armstrong (y compris si le sport est la dernière de vos préoccupations), son parcours, et surtout son incroyable affaire de dopage. D’autant plus que, Tour de France oblige, son histoire a été largement relayée chez nous en France, et ça se comprend.
THE PROGRAM ne nous apprend donc pas grand chose que l’on ne savait déjà. Certes, le film s’évertue à montrer et expliquer l’invraisemblable (et pourtant totalement vrai) programme de dopage ultra organisé au sein de l’équipe de coureurs de Lance Armstrong : comment tous les cyclistes étaient bourrés de produits dopants au quotidien, et comment pendant toutes ces années, ils sont passés à travers les mailles des contrôles anti-dopage.
Mais une fois passé cet aspect très factuel, le long-métrage de Stephen Frears n’apporte pas grand chose à la fois sur la réflexion autour du dopage, mais aussi sur cette vie de mensonge qu’a été (et est encore) celle de Lance Armstrong.
En suivant à la lettre le livre de David Walsh comme référence absolue pour réaliser ce film, Stephen Frears ne laisse pas vraiment de place à la psychologie de son personnage. On ne questionne jamais vraiment ses attitudes, ses relations aux autres, à la fois dans le sport mais aussi dans son intimité, quasiment inexistante dans le film.
De plus, le réalisateur manque de perspective, de recul aussi par moments ; et en ne voulant s’en tenir qu’aux faits, il finit par produire une sorte de documentaire sur le parcours du cycliste.
THE PROGRAM enchaîne ainsi les faits les uns après les autres, en survole certains, multiplie les ellipses pour avancer plus rapidement, et n’approfondit jamais vraiment les points essentiels (on peut citer par exemple la relation entre Lance Armstrong et Floyd Landis, son coéquipier, qui aurait mérité bien plus qu’une scène et demie entre les deux hommes …).
De même, le récit exclut presque totalement les autres coureurs, notamment les concurrents célèbres d’Armstrong sur le Tour. Certains cyclistes sont purement et simplement occultés, comme Marco Pantani (mort pourtant dans des circonstances plus ou moins liées au dopage en 2004, quand Lance Armstrong est au sommet de sa gloire), ou encore Jan Ullrich un des principaux rivaux d’Armstrong !
D’autres défauts nous ont aussi dérangé sur ce film, et notamment son casting. Malgré son gros travail en amont du tournage, l’acteur Ben Foster qui tient le rôle principal, n’a absolument pas un physique de coureur cycliste, et c’est quand même particulièrement gênant ! Bien plus petit que Lance Armstrong, Ben Foster est surtout bien trop massif et corpulent, là où les cyclistes sont très minces et affûtés, la quête de la vitesse oblige. On frôle quasiment le manque de cohérence là !
On retrouve également au casting le français Guillaume Canet dans un second rôle mais pas des moindres, puisqu’il incarne le médecin italien Michele Ferrari, présenté comme l’instigateur d’un dopage à l’EPO de grande envergure dans le cyclisme. Si on aime beaucoup Guillaume Canet habituellement, ici il peine à convaincre dans ce rôle qui ne lui sied guère, forçant un faux accent italien à la limite du guignol …
Et là aussi, on aurait aimé que ce personnage ait un peu plus de profondeur, de psychologie, on aurait apprécié pouvoir mieux le cerner, voire le comprendre, ou saisir son éventuelle folie, plutôt que se limiter à quelques scènes dispersées et manquant réellement d’impact.
Convenu et finalement très (trop) didactique, THE PROGRAM n’est pas vraiment ce que l’on pouvait espérer au cinéma avec un sujet aussi passionnant que celui du parcours de Lance Armstrong, et surtout l’histoire d’un tel mensonge avec toute sa démesure et sa folie !
De ce sujet en or, Stephen Frears en tire un long-métrage pas franchement marquant, au casting fortement discutable, et à la mise en scène parfois laborieuse et approximative, qui ne réussit jamais à nous faire ressentir l’intensité sportive. Force est de constater malheureusement que le réalisateur a voulu s’emparer d’un sujet qu’il ne maîtrise pas vraiment, et surtout pénétrer un univers très particulier, celui du sport, qu’il est toujours extrêmement compliqué de mettre en scène au cinéma, surtout quand on le connaît si mal.
Notre entretien avec Stephen Frears
Page Facebook officielle de THE PROGRAM
THE PROGRAM, sortie en France le 16 septembre 2015.
[youtube id= »fyeJBrboIZ8″ width= »600″ height= »340″ position= »center »]
Article rédigé par Elle.
4 réponses sur « THE PROGRAM : Le Grand Bluff de Lance Armstrong »
[…] Le réalisateur britannique nous livre en 2015 un nouveau long-métrage ambitieux et très attendu, THE PROGRAM, qui revient sur l’ascension exceptionnelle et l’inexorable chute en avant de Lance […]
C’est la bonne prestation de B. Foster (et des autres) qui fait la (petite) force du film. La volonté de gagné par n’importe quel moyen. Frears reste très appliqué sans semblé très concerné. Tjs sur le même braquet.
Bonjour Widescreen,
Merci pour ton avis. 🙂
THE PROGRAM est vraiment une très grosse déception pour moi, le sujet m’intéressait tellement !
Mais on ‘y apprend absolument rien que les medias ne nous avaient pas déjà dit, et le film est tellement stérile d’un point de vue formel. Ça manque cruellement de panache, de prise de position … Pour avoir rencontré Stephen Frears en interview pour ce film, il ne semble vraiment pas beaucoup connaître le cyclisme, et n’avoir pas vraiment de point de vue sur cette histoire.
Sur un tel sujet et un tel personnage comme Armstrong, on ne peut pas se contenter d’un regard neutre et abscons.
[…] Disney qui réunit un casting particulièrement intéressant avec Chris Pine, Casey Affleck, Ben Foster et Eric Bana notamment. Récit d’une histoire vraie qui s’est déroulée en 1952 sur […]