Chaque film de Darren Aronofsky est un évènement, mais toujours pour des raisons très différentes. Avec REQUIEM FOR A DREAM, il révélait Jared Leto dans un rôle inoubliable et intense. Pour THE WRESTLER, il ressuscitait Mickey Rourke. Puis avec BLACK SWAN, Aronofksy emmenait Natalie Portman jusqu’à l’Oscar de la meilleure actrice qu’elle obtient en 2011.
Le réalisateur s’empare cette fois-ci de la mythologie biblique et choisit de mettre en scène NOÉ, homme élu de Dieu pour préserver d’un Déluge annoncé, toutes les espèces animales, avant que la volonté divine ne fasse périr toute forme de vie de la surface de la Terre. On s’en doute, voilà un projet extrêmement ambitieux pour Darren Aronofksy que de raconter au cinéma un épisode de la Bible où les éléments se déchaînent, au milieu desquels un homme doit porter sur ses épaules le destin de l’humanité. Devant la caméra du réalisateur, Russell Crowe est Noé.
Avec un casting hollywoodien qui combine stars confirmées (Russell Crowe, Jennifer Connelly) et valeurs montantes (Emma Watson, Logan Lerman), et un gros studio américain à la production (Paramount), NOÉ a tout d’un blockbuster annoncé, d’autant que les bandes-annonces, les affiches et les visuels autour du film, privilégient essentiellement la dimension ‘film catastrophe’. Pourtant, on ne peut se limiter de prime abord à ces raccourcis, car il ne s’agit pas là d’un film de commande mais bien d’un projet que Darren Aronofsky ne cesse de revendiquer comme très personnel, et qu’il a en tête depuis très longtemps.
Si l’on évoque cette question de l’origine du projet NOÉ, ce n’est pas pour pinailler sur des anecdotes de pré-production, mais bien parce que c’est là l’un des premiers vrais soucis du film. Aventure, épopée, film catastrophe, fable écologique, réflexion moralisante, … On va être honnête, pendant les 2h20 que dure le long-métrage, on ne sait sur quel pied danse NOÉ. Sans jamais choisir, refusant d’être tout à fait l’un ou tout à fait l’autre, le film ne parvient jamais vraiment à trouver le ton juste, et surtout ne fait qu’effleurer de manière très superficielle les différents thèmes qu’il aurait pourtant dû aborder avec davantage de profondeur, car c’est bien là l’intérêt majeur de ce récit biblique. On sent malgré tout que la tentation (ou l’exigence de la production, allez savoir) finit inévitablement par conduire Darren Aronofsky vers l’option du film à grand spectacle ; il faut dire aussi que le réalisateur ne peut pas échapper à la mise en scène du Déluge, et que le spectateur l’attend ! Mais là à nouveau, le bât blesse. Clairement, là où on espérait en avoir plein la vue et être secoué sur notre fauteuil par le déchaînement des éléments, on doit se contenter de pluies diluviennes fort peu inquiétantes, et de quelques geysers d’eau tout au plus.
Mais surtout, l’ensemble est visuellement noyé (*jeu de mots*) par des effets spéciaux de piètre qualité, et qui par moments semblent nous ramener dix ans en arrière ! Esthétiquement sans saveur, NOÉ se permet même de rater complètement la séquence de l’arrivée des animaux en troupeau vers l’Arche, alors que celle-ci aurait évidemment dû être un temps émotionnellement fort du film. À vrai dire, on ne comprend pas bien si Aronofksy a volontairement choisi de ne pas trop en faire, filmant bien souvent ses acteurs au plus près et ne donnant jamais la grandiloquence attendue à son récit, ou bien s’il a eu peur de transformer son projet en spectacle hollywoodien, et de perdre en chemin la réflexion morale qui en émane. Reste malgré tout un Russell Crowe habité par son personnage, et qui porte littéralement cette histoire sur ses épaules. L’acteur néo-zélandais impose sa carrure, son regard et sa présence physique au fur & à mesure que progresse la narration, et l’on sort de la salle en se disant que personne d’autre que lui ne pouvait si bien incarner Noé. Ce qui est très intéressant, c’est qu’il retranscrit avec justesse l’évolution de son personnage, son obstination à accomplir sa mission divine, jusqu’à l’enfermement quasi maladif dans un entêtement aveugle, limite égoïste.
Malheureusement, on ne peut pas dire qu’il ait été bien entouré : les seconds rôles masculins, en particulier pour interpréter ses fils, manquent cruellement de charisme et de crédibilité. De la même manière, on se demande bien ce que vient faire dans cette galère Anthony Hopkins qui doit se contenter de quelques apparitions anecdotiques, en mode vieux fou des cavernes. Mais surtout, les deux rôles féminins, pourtant fondamentaux dans cet épisode biblique, sabotent à plus d’une reprise des scènes que l’on attendaient comme des temps forts de ce long-métrage. Jennifer Connelly – que l’on adore le reste du temps -, semble perdue avec son personnage, et à défaut de trouver le ton juste, se réfugie bien souvent dans un excès lacrymal franchement inapproprié. Quant à Emma Watson, disons le franchement, on frôle l’erreur de casting tant la demoiselle, aussi mignonne soit-elle, ne convainc jamais, laissant beaucoup trop voir l’actrice en train de jouer !
Il faudra attendre le dernier tiers du film, lorsque Noé et sa famille se retrouvent à bord de l’Arche à la dérive sur les eaux sans fin, pour que le spectateur commence à se sentir concerné. À ce moment de l’histoire, le long-métrage bascule dans une sorte de huis-clos familial sombre et flippant, où toutes les dérives semblent possibles, avec surtout un Noé qui pousse son aliénation religieuse jusqu’au bout.
Film à l’identité trouble, NOÉ nous laisse perplexe tant on a du mal à évaluer la démarche de son réalisateur en s’engouffrant dans le projet de fou de mettre en scène ce personnage de la Bible. Darren Aronofksy tente vraisemblablement de nous faire passer un message, ou au moins de questionner nos croyances et notre humanité. Si NOÉ n’est pas un échec, loin de là, il laisse le spectateur bien perplexe et un peu hagard.
NOÉ, sortie en France le 09 avril 2014.
[youtube]http://youtu.be/tLcZkMhYTlI[/youtube]
Page Facebook française de NOÉ.
Article rédigé par Elle.
14 réponses sur « NOÉ : l’Arche perdue de Darren Aronofksy »
Je n’y ai pas vu autant de point positifs!! Pour le reste c’est plutôt juste.
Je n’ai pas terminé le gros livre dont est tiré le film tellement c’est mal écrit, en ce sens l’adaptation lui est assez fidèle.
Le pitch face aux producteurs c’est : un épisode inédit du Hobbit rencontre le Titanic version happy end avec un peu (si peu pour éviter un rated R) de cruauté façon La passion du christ.
Conter les égarements d’un bigot qui interprète sa « mission » est d’actualité dans un monde ou fous religieux et politiques pullules en ces temps annonciateurs de catastrophes économiques mais ici c’est long, pesant et rébarbatif.
Pour donner une rapide idée Aronofski nous fait le même coup que Malick pour Pocahontas. Quelques visions assez jolies disséminés dans 2h20, certaines plusieurs fois, qu’un Coppola avait en mieux déjà montré dans le prologue de Dracula, rien de plus. C’est un peu et dieu créa la palette graphique pour qu’Aronofski nous fasse à un spectacle catastrophique ni spectaculaire, ni efficace.
SPOILER
De plus, traiter un tel personnage en s’arrêtant avant sa victoire à RG rajoute à la déception.
SPOILER
Ce qu’il faut retenir: L’ark narratif est d’un bateau.
Bonjour kub57,
D’abord, merci de m’avoir fait beaucoup rire avec ton SPOILER !! 😀 😉
Ensuite, je suis assez d’accord avec toi sur le fait que cet épisode de la Bible pouvait trouver un écho intéressant avec le fanatisme religieux qui existe dans nos sociétés aujourd’hui. Mais comme je disais dans mon article, le film hésite sans cesse à savoir ce qu’il doit être, et ainsi ce thème (pourtant fondamental) n’est finalement que suggéré & évoqué sans profondeur.
Merci beaucoup pour ton avis pertinent (et plein d’humour) sur le film. À très bientôt sur Go with the Blog ! 😉
C’est un peu l’humour du désespoir.
Sans profondeur c’est cela.
Je croyais que le film allait gagner sur cette thématique de la folie (surtout celle des autres hommes, du clan Cain dans une fulgurance barbare) qui n’est finalement qu’évoquée. Cela aurait sauver des fx pas au top et de ce qu’il manque face à ce que peut espérer le spectateur avec le déluge et le remplissage de l’arche (là il cherche aussi à nous endormir avec sa fumée).
Et franchement, quand Noah finit par renoncer à son geste fatal, de la manière dont c’est filmé, j’ai pensé que remplacer l’image des jumelles par des chatons serait tout aussi juste.
Grand film du stricte point de vue végétalien quand même.
Pour l’instant, Nebraska, le film du mois.
Merci d’être revenu répondre et apporter des détails supplémentaires sur ton avis sur le film 😉
Je te rejoins sur bien des points, et effectivement la scène des jumelles s’ajoute malheureusement aux autres sabordées par un mauvais jeu d’acteurs et des effets spéciaux (nan mais les bébés !) très décevants.
À très bientôt sur le Go with the Blog ! 😉
Cette pauvre Emma ne s’en sortira donc jamais sans une critique cinéma n’évoquant pas son physique. C’est regrettable. Bien que Watson et Lerman ne transcende pas dans ce film j’ai été très déçu de constater la non présence d’une critique sur le monde de charlie autre film impliquant les deux acteurs perle du coming of age et cinéma indépendant américain.
Bonjour Anne,
Aucune attaque sur le physique d’Emma Watson, je ne fais que rappeler qu’elle est jolie, ce qui est un fait. En revanche, tu ne commentes pas de ton côté sa prestation d’actrice dans NOÉ. Qu’en as-tu pensé ? 🙂
Nous n’avons effectivement pas parlé du film LE MONDE DE CHARLIE sur notre Blog car nous n’avons pas eu l’occasion et le temps de le voir au moment de sa sortie en salles.
À bientôt sur Go with the Blog !
Ni mignonne, ni douée, il est grand temps d’en finir avec l’imposture Watson 🙂
Moi j’ai bien aimé les prestations de Watson , Connelly et Lerman. c’est celle de Crowe que j’ai pas trop aimée bizarrement. Vu en vo on dirait qu’il chuchote je ne l’ai pas trouvé crédible en patriarche sans parler de la scène du vin. Mais bon après les avis c’est suggestif.
Bonjour à nouveau Anne,
Oui, chacun a son avis, mais on est ravi d’avoir le tien ! 🙂 Personne ne prétend détenir la vérité, et c’est intéressant de voir que tu as ressenti la prestation des acteurs différemment.
Merci pour tes commentaires 🙂
De rien =) je reste persuadée que Watson va avoir une carrière intéressante (attention c’est mon opinion elle n’engage que moi) ce qui est rare chez les « ex » enfants stars. Apres le fait de ne pas tomber dans l’alcool et la drogue dès la majorité atteint aide peut être. En tout cas merci de ses réponses claires et polies de plus en plus rare sur internet malheureusement.
Alors pour ma part, je ne serais pas aussi sévère que vous, mais je ne cries pas non plus au chef-d’oeuvre. Parmi les points négatifs, je ne suis pas spécialement convaincue par les effets spéciaux, j’en attendais un peu plus de l’arrivée du déluge et j’aurais souhaité que cela dure un peu plus longtemps.
2ème point négatif, les arbres pierre. J’avais l’impression de me retrouver dans un épisode du Seigneur des Anneaux. Et je les ai trouvé tellement ridicules que j’avais hâte qu’ils disparaissent le plus rapidement !!
Point Positif : Le casting avec Russel Crowe en tête. 10 ans après Gladiator il prouve qu’il est toujours aussi bon et rempli de charisme. Ce rôle lui va à merveille, et le fait qu’il oscille entre le bon et le mauvais côté à chaque fois, ne m’a pas dérangé. Au contraire il démontre que c’est un être humain avant tout avec ses forces et ses faiblesses. Pour moi ce n’est pas un super héros bien lisse loin de là et c’est ce côté qui m’a le plus plus.
Emma Watson: : et bien curieusement j’ai complétement oublié l’Hermione Granger d’Harry Potter. J’ai trouvé qu’elle avait fait d’énormes progrès dans son jeu.
Pour les autres acteurs, je ne les connais pas trop à part Anthony Hopkins, mais pour moi son rôle n’est pas assez étoffé pour avoir un avis définitif.
Bonjour Eleane,
Merci pour ta remarque sur les arbres de pierre !
Je n’en ai pas parlé dans mon article (qui est déjà bien assez long comme ça), mais je suis exactement de ton avis sur ce point !
Ton avis est en tout cas super intéressant à lire, un grand merci d’être venue le partager avec nous 😉
Bonjour.
Je te rejoins les effets spéciaux ne sont pas à la hauteur, et les golems sont ridiculement animés. La dernière partie est plus intéressante avec cette folie de Noé face à sa famille.
Je ne me suis pourtant pas ennuyé non plus (le film dure plus de deux heures), aussi ça ne sera pas le film de l’année mais un bon divertissement.
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