Vous n’avez pas pu passer à côté de l’évènement MARSEILLE ! Non, rien à voir avec le club de foot, on parle bien ici de cette série télévisée française au casting ultra classieux, réunissant des acteurs et actrices de renom, Gérard Depardieu en tête.
Lancée en (très) grandes pompes par la société Netflix, MARSEILLE marque une étape supplémentaire dans la production audiovisuelle contemporaine : cette série télévisée est tout simplement la première production française par la société américaine, et l’un de ces plus gros projets (notamment en terme de budget) hors États-Unis.
Alors comme on est très curieux, on a regardé l’intégralité de la série MARSEILLE, les huit épisodes, et on vous donne notre avis sur cet évènement … Dans la cité phocéenne, il y a du rififi à la Mairie !
Avant d’entrer dans les détails, un petit rappel des faits semble absolument utile pour bien comprendre les tenants et les aboutissants de cette série.
Tout d’abord, si jamais Netflix est pour vous quelque chose d’encore assez obscur (et ça peut tout à fait se comprendre), voilà ce qu’il faut savoir : cette société américaine basée en Californie existe depuis la fin des années 90. Sa principale activité consiste à proposer des films et des séries télévisées directement sur sa plateforme en ligne (payante via un abonnement). S’abonner à Netflix, c’est avoir accès à un catalogue de contenus cinéma et télévisuels très vaste. Mais surtout, Netflix produit également ses propres projets, des films et des séries que l’on peut donc uniquement voir sur sa plateforme.
Très largement implanté sur le sol américain, Netflix part à la conquête du reste du monde depuis les années 2010, et est accessible au marché français depuis 2014.
La série MARSEILLE porte ainsi en elle des enjeux qui ne sont pas seulement créatifs : pour Netflix, cette création originale (qui a mis près de trois années à voir le jour) doit également permettre à la société américaine d’accélérer sa notoriété sur le territoire français … bref en un mot, de faire parler d’elle !
On comprend mieux alors cette énorme campagne de communication et de publicité autour du lancement de la série : c’est bien simple, MARSEILLE est partout, en affichage géant dans les rues et dans les transports en commun, un spot TV en maxi rotation sur absolument toutes les chaînes télévisées, et une présentation à la presse et aux medias en forme de grand barnum, directement dans la ville méditerranéenne !
Mais intéressons-nous plutôt à cette création et à ce qu’elle nous raconte. MARSEILLE nous entraîne dans les coulisses de la politique municipale de la ville, entre coups bas, trahisons, mensonges, et alliances en tout genre.
Robert Taro est maire de Marseille depuis plus de vingt ans. Sa succession politique ne fait aucun doute, ce sera Lucas Barrès, son 1er adjoint et fidèle bras droit, qui prendra logiquement la suite quand Taro se retirera de la politique, ce qui doit être le cas à la fin de son actuel mandat. Mais Lucas Barrès a les dents longues, et lassé d’attendre son tour, il choisit justement l’occasion des prochaines élections municipales pour s’opposer à Taro. À Marseille plus qu’ailleurs, il faut savoir choisir ses alliés et surtout ses ennemis …
Il est certain qu’on en attendait quand même beaucoup de cette série. Pour toutes les raisons citées précédemment dans cet article, mais également parce que Netflix s’est quand taillé une certaine réputation depuis quelques années, en produisant notamment des séries de qualité et largement saluées par les spectateurs et les critiques.
MARSEILLE n’est pas exactement l’ambitieux projet que l’on pouvait espérer. Scénarisé par Dan Franck (auteur de romans et des scénarios de CARLOS la mini série d’Olivier Assayas, des séries RÉSISTANCE sur TF1 et LES HOMMES DE L’OMBRE sur France2 par exemple), les huit épisodes de la série déroulent une narration qui ne surprend jamais.
Dès le tout premier épisode, les fils narratifs et les ressorts dramatiques manquent cruellement de nuance et de subtilité. Par exemple, on se doute beaucoup trop facilement que si la fille du maire commence à s’encanailler avec des jeunes garçons des cités de Marseille, et surtout si elle fume avec eux quelques joints et qu’elle est filmée brièvement par un type avec son téléphone portable, cela servira à un moment ou un autre à déstabiliser politiquement son père …
Ceci est un exemple pioché dans les premières minutes de l’épisode 1, mais tout le reste de la série fonctionne malheureusement avec ce même déficit de subtilité.
Abreuvé de séries américaines de plus en plus qualitatives, où les acteurs de cinéma les plus connus n’hésitent plus à aller pour y trouver des rôles exigeants et complexes, le public consommateur de ces créations télévisées en demande inévitablement beaucoup désormais aux séries. Et cela est d’autant plus le cas lorsque l’on est dans le genre de la série politique et dramatique.
Si MARSEILLE souffre d’un récit trop simpliste et prévisible, les personnages eux-mêmes pâtissent également de cette absence de nuances. On a franchement du mal à comprendre comment il a été possible de donner de telles partitions à jouer aux acteurs ! …
Si le personnage principal Robert Taro cumule un paquet de clichés, il s’en sort pas trop mal grâce à la présence toujours fascinante et charismatique de Gérard Depardieu. Sans forcer, l’icône du cinéma français semble parfois un peu facile, mais il sait toujours offrir quelques fulgurances le temps d’une scène ou deux, ce qui suffit ici finalement.
En revanche, Benoît Magimel, comédien que l’on adore au demeurant, se retrouve embourbé dans un personnage archi caricatural, celui de Lucas Barrès, qui baise tout ce qui bouge, fume clope sur clope, et prend l’accent marseillais quand ça l’arrange devant les citoyens de la ville (mais qui a bien pu avoir l’idée saugrenue d’imaginer pareil trait du personnage ?!).
Malheureusement, c’est du côté des rôles féminins que le pire est à venir, en particulier la délicieuse Géraldine Pailhas qui se voit confier le rôle de Rachel Taro, l’épouse du maire. Mais pour l’actrice, il lui faut se contenter d’un personnage qui passera l’entièreté de la série à se lamenter sur son sort, sans jamais qu’il soit possible à un seul instant que ce personnage serve à quelque chose dans l’intrigue.
La fille du maire, interprétée par Stéphane Caillard (oui, elle s’appelle Stéphane et c’est bien une jeune actrice), a le droit d’exister davantage dans le récit, mais là aussi, trop de clichés nuisent à la crédibilité du personnage.
Seule Nadia Farès, que l’on retrouve ici avec beaucoup de plaisir et à qui la quarantaine va à merveille, se voit offrir un personnage perfide avec des dialogues souvent crus, permettant alors de donner un peu de relief à quelques scènes de-ci de-là.
MARSEILLE ne trouve même pas sa rédemption dans sa mise en scène, et là aussi à regret. Certes, on se surprend à certains moments à apprécier des plans réellement cinématographiques, comme par exemple celui de la salle du conseil municipal vide dans son infinie froideur et son interminable symétrie. Mais les deux réalisateurs de la série, Florent Emilio Siri puis Thomas Gilou, usent à l’excès de leurs trouvailles, jusqu’à finir par en lasser le spectateur.
À cela s’ajoute justement une voix off tellement mal utilisée qu’elle vire à l’insupportable, une musique (pourtant composée par Alexandre Desplat) désaccordée avec ce qui se passe à l’écran, et une surenchère de plans aériens de la ville trop souvent inappropriés (parfois quand le réalisateur ne sait pas comment faire la transition d’une scène à une autre, il nous colle un plan aérien du Stade Vélodrome ou de la Bonne Mère, au cas où le spectateur aurait oublié où se passe l’histoire … Mais sérieusement ?!).
Tout cela peut paraître assez sévère, mais on se rend finalement compte nous-mêmes que MARSEILLE paye un lourd tribut à la campagne de communication pharaonique qui l’a précédée. C’est, au bout du compte, sa propre épine dans le pied, il faut le reconnaître … Un peu comme quand on vous vante les qualités d’un très bon restaurant pendant des mois, et qu’une fois devant votre plat, l’enchantement n’y est pas vraiment.
La série MARSEILLE n’est pas l’évènement créatif imaginé, espéré, ou attendu, en tout cas pas cette grande production française innovante et ambitieuse. En voulant aller sur le terrain de la série politico-familiale, MARSEILLE se retrouve inévitablement en porte à faux avec ses grandes sœurs américaines, et c’est là que ça coince dans l’esprit du spectateur.
MARSEILLE aurait pu être une très bonne saga de l’été diffusée sur TF1 dans les années 90, comme c’était la grande mode à cette époque. La série semble d’ailleurs y puiser largement ses codes narratifs, aussi bien dans le déroulé de son récit aux rebondissements vraiment classiques, que dans le dessin de ses personnages et les relations qui les lient.
Le seul souci, c’est que l’on est en 2016.
Infos pratiques.
MARSEILLE
Saison 1 > huit épisodes disponibles en intégralité sur Netflix depuis le 05 mai 2016.
> Diffusion exceptionnelle des deux premiers épisodes de la série le 12 mai 2016 sur TF1.
(Mais les épisodes 3 à 8 restent en exclusivité totale sur le réseau Netflix).
Épisode 1 : 20 ans
Épisode 2 : Homme de paille
Épisode 3 : Crocodile
Épisode 4 : Intox
Épisode 5 : Face à face
Épisode 6 : Liberté, Égalité, sans Pitié
Épisode 7 : A voté
Épisode 8 : La lutte finale
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Article rédigé par Elle.