GHOSTLAND : les poupées qui font « non »

Ce n’est que son quatrième long-métrage, et pourtant Pascal Laugier s’est déjà imposé comme un réalisateur incontournable en matière de cinéma d’horreur, en France mais aussi dans le reste du monde.
Surtout, à chaque sortie de son nouveau projet, il réussit à attirer toutes les attentions soit parce que son film est précédé par sa propre réputation (MARTYRS en 2012), soit pour le casting de son film, comme c’est le cas ici avec GHOSTLAND.

Car avant même d’avoir vu le résultat, GHOSTLAND a beaucoup fait parler, et pour cause : la chanteuse Mylène Farmer, présente au casting, revient au cinéma vingt-quatre ans après sa seule expérience sur grand écran, dans GIORGINO de Laurent Boutonnat. Une incartade au cinéma qui fut un échec terrible pour Mylène Farmer, GIORGINO n’ayant attiré que 70 000 spectateurs en France à sa sortie, alors qu’il avait explosé les budgets de production !

On ne va pas vous raconter l’histoire de GHOSTLAND, d’abord pour éviter toute forme de spoil, mais aussi parce qu’elle n’est peut-être pas forcément la clé principale du film. On se contentera de dire que tout commence par une mère et ses deux filles ado, qui décident de s’installer dans une maison isolée héritée d’une vieille tante récemment décédée. Mais évidemment, les choses vont vite mal tourner …

Une fois qu’on a dit ça, on a à peu près rien dit. Car derrière ce point de départ narratif archi classique, il y a en réalité bien autre chose.

GHOSTLAND nous offre un moment d’horreur assez rare, dans un genre cinématographique de plus en plus galvaudé et saturé de films pop-corn pour adolescents boulimiques de jumpscares bas du front. Pascal Laugier signe une œuvre franchement ambitieuse, une œuvre d’auteur (il en est l’unique scénariste), un film aux parti-pris parfois radicaux, à la limite de la transgression, et qui ose par moments pousser le spectateur dans l’inconfort.

Le réalisateur français nous plonge dans un climat oppressant, malsain, à l’ambivalence sexuelle permanente, flirtant même avec une forme de pédophilie (toute la thématique autour des poupées, de la jeune fille objet, …). Mais jamais il n’est dans l’obscène, bien au contraire.
Pascal Laugier vient chercher son spectateur pour l’emmener sur des territoires dérangeants, névrotiques, et questionner en même temps des sujets complexes : le passage de l’enfance à l’adolescence ; la perte de l’innocence (cf. le début du film lorsqu’une des deux jeunes filles a ses premières règles) ; la sexualisation des corps ; notre rapport au voyeurisme ; notre irrémédiable tentation du danger, ou du moins de ce qui peut nous effrayer (le personnage principal de Beth est une gamine fascinée par les histoires glauques de l’auteur H. P. Lovecraft) ; le rapport entre réel et imaginaire.

Mais là où GHOSTLAND fascine vraiment, c’est dans sa mise en scène tout aussi torturée et dingue que ce qu’elle montre justement. Laugier accomplit un impressionnant travail en terme de stylisation qui passe par l’exploitation des décors, des costumes, la lumière, les angles de caméra, la manière dont il filme les visages martyrisés de ses personnages, …
Il alterne entre des espaces ultra restreints (la cave étroite ; son escalier à la symbolique double ; la chambre aux poupées), et des lieux plus amples mais tout autant sources d’angoisse et d’oppression (les longs couloirs de la maison ; le salon ; le jardin et ses environs).

Et comme Pascal Laugier semble tout assumer, il n’hésite pas à glisser ça et là des références (voire des citations) aux films de ses prédécesseurs, en ayant la bonne intelligence de le faire pour réellement nourrir son propre long-métrage (et non pas uniquement étaler sa connaissance du genre). On pense ainsi à MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE (notamment en découvrant le personnage attardé et tortionnaire à la fin du film), à SHINING (la hache dans la porte), mais aussi plus près de nous à CALVAIRE pour la question du travestissement, et surtout à HAUTE TENSION pour ce qui concerne le rapport entre réalité & fiction/imaginaire.

Parfaitement maîtrisé, troublant à souhait, terrifiant dans son envie de pousser le curseur du malsain assez loin, et aussi fascinant par son traitement de la névrose, GHOSTLAND conjugue les codes du survival, du home invasion, du cauchemar psychologique avec une certaine réussite et un équilibre plutôt bien senti.
Dans la continuité de ses précédents films (MARTYRS, SAINT ANGE) en terme de thématiques notamment, Pascal Laugier continue donc d’explorer & de triturer un pan du 7ème Art auquel il contribue à redonner un souffle salvateur.

NDLR : On n’a même pas eu le temps de mentionner la qualité du casting, impeccable à tous les niveaux.

Page Facebook officielle de GHOSTLAND.

GHOSTLAND, sortie en France le 14 mars 2018.

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Article rédigé par Elle.

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