Le réalisateur australien David Michôd nous avait pas mal retournés en 2011 avec son tout premier long-métrage ANIMAL KINGDOM, qui faisait voler en éclats la cellule familiale en racontant l’histoire (vraie) d’une famille de mafieux à Melbourne, dans les années 80.
Il revient avec THE ROVER, présenté au Festival de Cannes 2014 hors compétition. Il y retrouve à nouveau l’acteur australien Guy Pearce, qui campe ici un homme solitaire au milieu du désert australien, dans un monde post-effondrement économique sans foi ni loi, et où chaque jour est un combat pour la survie. Dans ce désert, les hommes les plus désespérés viennent tenter de travailler dans les mines, dernier eldorado pour gagner un peu d’argent et s’en sortir. Lorsqu’ Eric (Guy Pearce) se fait voler sa voiture, le seul bien qu’il possède, par un gang de marginaux en cavale, il se lance alors dans une course poursuite jusqu’au-boutiste. Il est prêt à tout pour récupérer son véhicule.
THE ROVER est un film étrange et déstabilisant, qui ne va jamais là où on le croit. Les premières minutes ressemblent à une relecture de MAD MAX dans la poussière et l’aridité du désert d’Australie, où les hommes tous armés ont la gâchette sensible et les nerfs à vif. Mais David Michôd est un réalisateur qui aime brouiller les pistes, et déjà dans ANIMAL KINGDOM, film ultra tendu où l’on sentait que tout pouvait vaciller en une fraction de seconde, les personnages flirtaient sans cesse avec la ligne jaune, dans une nervosité et une défiance de tous les instants.
Dans THE ROVER, le personnage de Guy Pearce embarque le jeune Rey (interprété par Robert Pattinson) dans sa course poursuite, car il est le frère d’un des membres de ce gang qui lui a volé sa voiture. Il malmène Rey, un garçon simple d’esprit, pour qu’il le guide vers la destination de ces malfrats. Entre ces deux hommes que tout – absolument tout – oppose, se crée une relation qui oscille entre tentative de complicité et méfiance.
En premier lieu, on retient de THE ROVER la prestation impériale et étonnante de Guy Pearce, individu froid où bouillonne une colère permanente, revenu de tout, presque muet, et pour qui l’humain ne trouve plus grâce à ses yeux. L’acteur est omniprésent à l’écran et il porte littéralement le film sur ses épaules, lâché dans cette course poursuite implacable dont le spectateur s’interroge sur le sens déraisonné.
Face à lui – ou à ses côtés -, Robert Pattinson trouve ici un rôle intéressant mais pour lequel le comédien manque encore un peu de maturité et d’aisance : son interprétation du personnage de Rey, débile léger, reste approximative par moments, surjouée par d’autres, et surtout on voit l’acteur en train de jouer dans certains passages. Néanmoins, on ne lui jette pas la pierre, et Pattinson s’en sort avec les honneurs. Il est surtout un peu éclipsé par la présence nerveuse et exceptionnelle de Guy Pearce.
Avec ce second long-métrage, David Michôd impose à nouveau un rythme lent et décalé dans son récit, qui peut désarçonner un peu le spectateur non averti. Western déshumanisé dans un univers où il n’y a plus aucune règle à part celle que l’on se choisit, THE ROVER semble prêt à imploser à tout moment. Comme on l’avait déjà découvert dans ANIMAL KINGDOM, la violence ici est froide et intervient sans crier gare, devenant presque une norme dans une société qui n’en a plus, comme une forme de langage pour des hommes qui ne se parlent plus et se méfient constamment de l’autre.
David Michôd a choisi de dépouiller sa mise en scène au maximum, laissant finalement les espaces infinis du désert australien se suffire à eux-mêmes. En revanche, il accorde un soin particulier à sa bande-son très prenante et inquiétante, mêlant musiques d’inspiration aborigène et indus brutal et radical.
Cependant, THE ROVER semble finir par perdre de vue les tenants et les aboutissants de son récit, s’égarant alors sur des routes sans fin qui ne mêlent nulle part. On a ainsi du mal à garder le fil, surtout pendant certaines scènes extrêmement lentes et qui trouvent difficilement leur sens dans cette histoire, en dépit d’une empreinte forte dans la mise en scène et des partis pris de réalisation intéressants.
Brutal, dérangeant mais aussi un peu déroutant, THE ROVER bénéficie d’une mise en scène ambitieuse et riche d’idées, même si c’est au risque de laisser certains spectateurs sur le bord de la route australienne.
Reste avant tout un Guy Pearce magistral et flippant, qui trouve à nouveau devant la caméra de David Michôd un rôle flamboyant où il nous révèle toute l’étendue de son talent. Quelque chose est en train de se nouer entre cet acteur et ce réalisateur, et ça, on en redemande !
THE ROVER, sortie en France le 04 juin 2014.
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Page Facebook française de THE ROVER.
Article rédigé par Elle.
4 réponses sur « THE ROVER : dans le désert, personne ne vous entendra mourir »
Bon au début me suis dis c’est quoi ce film , mais très vite je suis rentrée dans l’histoire.
Très surprise du jeu de Pattinson , ça change vraiment il joue très juste je trouve .
Très beau paysage désertique .
Mais musique de fond tout le long du film assez stressante.
(Faudrait lui offrir du dentifrice lol )
Bonjour,
Tu fais bien de souligner cette bande son qui donne un ton très spécial au film, et qui participe à l’angoisse, effectivement.
Merci d’avoir partagé ton avis sur le film ! 🙂 Toujours un plaisir de te lire, à bientôt !
« 10 ans après l’effondrement » C’est tout ce que l’on saura de ce monde à l’allure post-apocalyptique. Pour le reste, au spectateur de ce faire son opinion. Si peu est dit, la structure du film fait cependant que l’on arrive a naviguer facilement dans cet univers. La trame est simple et dans sa relative sécheresse narrative le film comporte suffisamment de moment singuliers pour entretenir l’attention. Les conflits qui émaillent l’intrigue arrivent quelquefois de manières inattendues, tjrs de façon logique et sobre dans ce monde voué à la cupidité. Les scènes de violence graphiques ou hors champs, juste signalées par le son, amène leur moments de surprises en enrichissant l’histoire et la forme. La musique joue également positivement sur l’ambiance avec ses divers styles. Pas facile au premier abord avec sa lenteur et son scénario minimaliste, le film, par ses choix, avec un G. Pierce d’une sobriété remarquable (Pattison, tjrs limité, est sauvé cependant par un vrai beau rôle) apporte un certain envoutement. Un beau film(sans guillemets), à défaut d’un grand.
Le titre peut s’expliquer à divers degrés de 3 manières. A voir dans le press-book.
Bonjour kub57,
Merci pour ton commentaire, THE ROVER t’a inspiré on dirait.
Comme pour le commentaire de notre autre lectrice juste au-dessus, je te remercie de compléter l’article en parlant de la musique du film. Je n’en ai pas beaucoup parlé, mais en effet, elle joue un rôle très important !
Grand merci pour ton avis éclairé.