Après avoir vagabondé dans les méandres du cinéma indépendant, David O. Russell se fait remarquer en 1999 avec LES ROIS DU DÉSERT, puis en 2012 avec FIGHTER, nommé sept fois aux Oscars. HAPPINESS THERAPY amorce ainsi un virage dans sa filmographie, en allant titiller le genre de la comédie romantique.
Pat Solatano (Bradley Cooper) a surpris un jour sa femme à la maison avec son amant. Pris d’un accès de violence, il a violemment molesté et frappé celui-ci. Placé un temps dans un institut psychiatrique, Pat a ainsi perdu son épouse, son travail et sa maison. À sa sortie, il retourne s’installer chez ses parents, déterminé à se reconstruire. Il fait alors la connaissance de Tiffany (Jennifer Lawrence) au cours d’un dîner chez un ami commun.
Le pitch d’HAPPINESS THERAPY tient son originalité à une idée plutôt intéressante au départ : celle de faire se rencontrer deux personnages qui n’ont pas envie de tomber dans les bras l’un de l’autre, mais dont la priorité est de remettre sur pieds une vie ravagée par une séparation amoureuse qu’ils ont été incapables de gérer (chacun pour des raisons différentes). Au tout début du film, Pat et Tiffany font connaissance lors d’un dîner qui constitue la meilleure scène du film. En effet, coincés entre Veronica et Ronnnie, le couple parfait qui vient d’avoir un enfant, les deux protagonistes se sentent mal à l’aise. Et c’est en discutant ensemble avec beaucoup d’humour sur les traitements thérapeutiques et les médicaments contre l’anxiété qu’ils ont tous les deux expérimentés, qu’ils se découvrent des points commun et parviennent ainsi à prendre le dessus sur le duo idyllique formé par Veronica (Julia Stiles) et Ronnie (John Ortiz).
Mais ce postulat de départ va malheureusement être très rapidement abandonné en route, et HAPPINESS THERAPY s’engouffre alors dans les travées d’une banale comédie romantique où les protagonistes se repoussent avant de tomber dans les bras l’un de l’autre, comme une évidence qu’ils ne voyaient pas, aveuglés par leur mal-être (c’est beau … sic). Et c’est pourtant très dommage d’avoir refusé de traiter réellement, avec un peu de nuances, la question des traitements psychiatriques que le corps médical afflige à des patients qui n’en ont pas toujours systématiquement besoin. La scène du dîner amorçait ce sujet avec en plus une auto dérision assez bien sentie. Mais David O. Russell, comme effrayé par l’idée de bousculer les repères de son spectateur, a visiblement préféré prendre la voie de la facilité.
HAPPINESS THERAPY enchaîne alors ensuite pendant un peu moins de deux heures (qui en paraissent quatre) tout un tas de clichés et de séquences ultra convenues, où tout se devine à des kilomètres et où rien ne surprend. Bradley Cooper et Jennifer Lawrence alternent entre des scènes de footing et des scènes de danse (oui, parce que le personnage de Pat accepte d’être le partenaire de danse de Tiffany pour un concours régional), où s’intercalent des scènes d’engueulades interminables entre les deux tourtereaux qui s’ignorent.
L’autre énorme problème de ce film, c’est sa direction d’acteurs. David O. Russell fait éclater ici au grand jour un de ses défauts que l’on avait déjà entrevu dans FIGHTER : il est incapable de procéder autrement avec ses comédiens qu’en les faisant crier. Cooper et Lawrence nous épuisent avec leurs dialogues sans fin, inutilement bavards, et qui tournent à vide. Mais le pire reste les scènes de groupe où le réalisateur y réunit tous les personnages principaux ; on assiste alors à des prises de bec où ça hurle dans tous les sens, et où le spectateur attend dans la douleur que tout cela veuille bien prendre fin.
Robert de Niro a beau cabotiné avec le talent que l’on lui connaît en arrière-plan, accompagné par une Jacki Weaver toujours aussi épatante, ces deux là ne suffisent pas à rendre supportables ces séquences d’échanges verbaux ultra bruyantes, dominées par la confusion et les cris.
HAPPINESS THERAPY débarque en France auréolé de nombreuses nominations aux Oscars et dans les plus prestigieuses cérémonies de remise de prix américaines. Mais si cette comédie n’avait pas été poussée par les frères Weinstein, on peut se permettre de douter de son ascension.
David O. Russell avait réussi avec FIGHTER il y a moins de trois ans, à nous embarquer dans une confrontation fraternelle et sociale entre Christian Bale et Mark Whalberg qui fonctionnait grâce aux prestations brillantes de ses acteurs et aussi à un équilibre assez juste entre film sociétal et drame familial.
Ici, on retrouve sa volonté de dépeindre l’Amérique moyenne, de filmer les banlieues un peu ternes et toutes identiques des États-Unis, et de montrer les gens qui y vivent dans toute leur beauté et leur grandeur d’âme (on en veut pour preuve les séquences dans le salon des parents de Pat, devant les matchs de NFL, où supporter l’équipe de Philadelphie la grande ville voisine, est une question quasi vitale et qui soude la famille). Mais dans HAPPINESS THERAPY, ce projet est totalement enseveli sous les codes ultra sclérosés de la comédie romantique.
HAPPINESS THERAPY, sortie en France le 30 janvier 2013.
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Article rédigé par Elle.