Après avoir réalisé trois courts-métrages, le réalisateur chinois Pengfei Song nous dévoile son premier long-métrage : BEIJING STORIES. Cet ancien étudiant parisien en cinéma, nous entraîne au fin fond de Beijing (Pékin), sa ville natale, avec audace et ingéniosité.
BEIJING STORIES a récemment été récompensé par le Prix Fedeora du meilleur film aux Venice Days (une section indépendante de la Mostra de Venise).
Ce film relate l’histoire de nombreux habitants de Beijing, qui vivent enterrés dans le sous-sol de cette ville gigantesque. Nous suivons plus particulièrement l’histoire de trois personnages luttant pour prendre leur destin en main.
De nombreux quartiers sont détruits puis reconstruits pour la nouvelle classe moyenne chinoise. Pour gagner sa vie, Yong Le récupère des meubles usagés dans les maisons abandonnées. Xiao Yun elle, danse dans un bar. Habitant tous deux dans cette ville souterraine, ils rêvent d’en sortir. Lao Jin, un ouvrier en chef, possède sa propre maison, dans un quartier qui va être détruit. Celui-ci a accepté de partir, mais il doit d’abord vendre sa maison à un prix décent. Ces trois protagonistes au bas de l’échelle sociale, reflètent la Chine d’aujourd’hui.
Le réalisateur Pengfei Song a eu l’idée du film lors d’une entrevue avec un artiste qui vivait dans ces infrastructures souterraines qui lui étaient alors inconnues.
L’histoire du film en elle-même est ici focalisée sur l’évolution des personnages et sur leur manière d’appréhender leurs problèmes. Suite à un accident, Yong Le est incapable de voir durant quelques jours. Ses voisins avec qui il avait partagé un repas la veille, ne lui viennent pas en aide … Cependant, il se retrouve sur le chemin de Xiao Yun, qui décide de l’aider et de prendre soin de loin. Une amitié se crée entre les deux jeunes pékinois.
À travers la ville souterraine, le cinéaste illustre le fait que la classe sociale d’en bas fait avancer le pays par sa sueur et son acharnement. Cette vie souterraine existe bel et bien en Chine, comme dans de nombreuses villes des pays en plein développement et émergents.
L’ambiance et le mode de vie de cette ville souterraine aux multiples visages, sont représentés par de nombreuses situations cocasses et hors du commun ! Les deux jeunes protagonistes, Yong Le et Xiao Yun, sont originaires de la province chinoise, et viennent vivre à Beijing (Pékin) en espérant réaliser leurs rêves.
Chaque personnage du film cible une partie bien précise de la population chinoise. Pengfei Song nous a confié, lors d’une rencontre après la projection de son film, que le personnage de Lao Jin et la situation dans laquelle il se trouve, sont fortement inspirés par sa propre histoire personnelle.
Par ailleurs, les acteurs incarnant les personnages principaux, Luo Wenjie (Yong Le), Ying Ze (Xiao Yun), et Zhao Fuyu (Lao Jin), jouent avec beaucoup de justesse et d’émotion. À noter que l’actrice Ying Ze, interprétant la jeune femme Xiao Yun, est l’une des petites filles de Mao Zedong ! Une situation ironique à la vue de son rôle dans le film.
Malgré les difficultés auxquelles sont confrontés les personnages, l’humour présent dans le film amène cette légèreté et nous permet de nous attacher aux personnages. En effet, l’humour s’avère être l’une des forces de BEIJING STORIES ; le choix de mise en scène et le découpage de certaines scènes accentuent cette dimension du film.
La réalisation de Pengfei Song est à la fois assez traditionnelle et audacieuse. L’utilisation de nombreux plans larges (fréquemment utilisés dans les films des années 40), intelligemment construits, donne au film une atmosphère atypique et originale.
À travers ces nombreux plans larges, on découvre les différents lieux dans lesquels évoluent les personnages. La scène du démarrage de la camionnette, par exemple, illustre bien le parti-pris de privilégier les plans larges aux gros plans. C’est d’ailleurs via cette scène que BEIJING STORIES commence véritablement à nous séduire grâce à son humour, et aussi à nous intriguer de par la gravité des évènements. La scène du hibou, de la camionnette et du repas familial à la fin, illustrent bien que l’humour est intelligemment transmis par ces plans larges.
Malheureusement, dans un climat où les films se veulent de plus en plus dynamiques et effrénés, l’utilisation de longs plans larges peuvent peut-être déconcerter certains spectateurs.
Les décors pleins de vie et de misère, illustrent parfaitement les conditions dans lesquelles vivent les personnages, et les accentuent également.
Par ailleurs, l’une des réussites de BEIJING STORIES, ce sont les musiques composées par Jean Christophe Onno, musicien français autodidacte et multi-instrumentiste. Ces compositions traditionnelles et modernes, contribuent clairement à nous faire apprécier de nombreuses scènes. De même, l’utilisation de nombreux sons et effets sonores, nous immerge encore davantage dans cette ville aux allures de fourmilière.
À travers ce film, nous apprenons beaucoup sur le mode et le niveau de vie des habitants de ces souterrains à Pékin. Ce film d’auteur nous entraîne dans les dédales de cette ville à la fois avec une certaine légèreté qui passe par l’humour, et une grande efficacité dans son propos.
La réalisation originale et audacieuse de Pengfei Song nous fait apprécier encore davantage le film. BEIJING STORIES devrait sortir en Chine prochainement, il est actuellement en cour de contrôle par les organismes de contrôle (de censure ?) chinois.
Nous vous encourageons à aller voir BEIJING STORIES si vous voulez découvrir un visage méconnu de Pékin !
BEIJING STORIES, sortie en France le 06 janvier 2016.
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Article rédigé par Théotime.