Par où commencer pour parler de UNDER THE SKIN ? Tenter d’en résumer l’histoire serait un peu vain, tout comme dire qu’il est question d’une extraterrestre incarnée par Scarlett Johansson, débarquée sur Terre pour séduire des hommes avant de les faire disparaître. Une fois qu’on a dit ça, on n’a pas dit grand chose de cet ovni cinématographique que nous livre Jonathan Glazer. Le réalisateur anglais dont on sait peu de choses, revient frapper à nos portes avec une surprenante rareté : seulement trois films en quatorze ans, le dernier datant tout de même de 2004.
Avec UNDER THE SKIN, il adapte le roman du même nom de l’australien Michel Faber, publié en 2005. Entre science-fiction, expérience visuelle, et sexualité déshumanisée, Jonathan Glazer livre un film inclassable aux tenants et aboutissants pas toujours très limpides.
Dans UNDER THE SKIN, Scarlett Johansson est omniprésente à l’écran. Brune, boulotte, mal fagotée, elle n’est pas là pour afficher son habituelle allure glamour. La comédienne s’est battue pour décrocher ce rôle à contre-courant de sa filmographie, sans doute pour prouver à la face du monde la réalité de son talent. Il apparaît avec évidence qu’elle a beaucoup travaillé ce rôle complexe où elle est quasiment muette pendant toute la durée du film.
Néanmoins, une de nos premières réserves porte justement sur le jeu de la comédienne (que l’on apprécie beaucoup d’une manière générale) : un acting un peu forcé par moments, et où dans certaines séquences on la voit vraiment ‘en train de jouer’.
UNDER THE SKIN est un film lent à la démarche explicitement arty, sorte d’expérience sensorielle qui semble passer son temps à vouloir bousculer – voire déranger – le spectateur. La grosse première moitié du film se révèle plutôt envoûtante, avec ces personnages étranges dont on ne sait rien (le motard), le mutisme flippant de Scarlett Johansson, et surtout cette musique obsédante, assourdissante par instants, martelée de façon obsessionnelle, comme semble l’être la mission de Scarlett l’extraterrestre, devenue une mante religieuse depuis son arrivée sur Terre.
Si le film questionne des thématiques comme la sensualité, la sexualité, le désir de l’autre, la découverte et l’appropriation de son propre corps, les castes sociales, il se refuse pourtant à les envisager dans le détail, se contentant de soulever des questionnements dans l’esprit probablement perturbé du spectateur devant ce flot d’images où se mêlent la grâce d’une actrice habitée, et la disgrâce de corps malmenés et abîmés.
Souvent sur le fil du rasoir, UNDER THE SKIN risque fort de fasciner certains, et d’ennuyer les autres. Le problème principal, c’est surtout que Jonathan Glazer ne semble pas être allé totalement au bout de son projet : dans la dernière partie du film, l’histoire se raccroche brutalement à une réalité très terre-à-terre qu’elle avait jusque là refusée. Et la scène finale de UNDER THE SKIN vient apporter une part de rationalité finalement malvenue (à vrai dire, on s’était habitué à l’irrationnel du film à ce moment là).
Quitte à cultiver l’étrange et à vouloir plonger le spectateur dans une expérience cinéma jusqu’au-boutiste, on aurait été en droit d’attendre de Jonathan Glazer une radicalité plus totale dans sa démarche.
Ainsi, on sort de UNDER THE SKIN en se demandant si le cinéaste s’est foutu de nous depuis le début, ou bien s’il vient de nous faire traverser une hallucination collective miraculeuse sans avoir eu recours à des produits ! Difficile à dire.
Reste tout de même la question de savoir si un film comme UNDER THE SKIN a sa place au cinéma, livré à un public non averti, ou bien si l’on n’est pas plutôt dans l’expérience artistique pure, qui trouverait peut-être davantage sa place dans le contexte d’une exposition par exemple.
Si Jonathan Glazer n’a pas réalisé une œuvre géniale, et si par moments son film est à la limite de la prétention et de la haute estime de soi, on se doit de lui reconnaître au moins un mérite : celui de questionner la frontière entre cinéma et expérimentation visuelle.
UNDER THE SKIN, sortie en France le 25 juin 2014.
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Article rédigé par Elle.
6 réponses sur « UNDER THE SKIN : la peau de chagrin de Scarlett Johansson »
oui, soit on rentre dans l’histoire (dans l’eau sombre et mystérieuse) soit on n’adhère pas. certains sont partis de la salle en cours de route. J’ai été fascinée par la beauté et l’étrangeté des images et de la musique, je ne savais pas du tout de quoi le film parlait, mais une fois qu’on a compris, je l’ai trouvé un peu long et répétitif. et oui, un peu prétentieux sans doute.
J’ai découvert le film dans le RER en voyant la bande annonce vidéo. Avant de voir la bande, j’étais très motivée: extraterrestre, je pensais voir un film de science fiction comme je les aime mais finalement je ne pense pas que j’aimerai. Le le verrai en dvd plus tard par curiosité ^_^
Bonjour,
Ce film a tout à fait sa place au cinéma puisque le cinéma est aussi un musée d’images sans avoir besoin obligatoirement de raconter de manière explicite une histoire. Certes, il demande un effort particulier de réflexion au spectateur, mais on peut se contenter de contempler les différents tableaux qui nous sont présentés.
Après Her, où Scarlett Johansson nous offrait que sa voix, c’est ici son physique qui est mis en avant dans ce film. Son interprétation hypnotise le spectateur et les hommes du film pour les plonger dans un univers assez déroutant.
Pour moi, il s’agit plus d’une oeuvre que d’une expérience artistique.
Trop coquetterie arty un peu vaine et ennuyeuse pour en faire un véritable bon film, celui recèle en lui quelques qualités intéressantes notamment plastiques que ce soit dans sa mise en image des scènes fantastiques, des traversées à moto, des rudes paysages écossais ou de celle qui est la raison première de l’acte d’achat du billet. Le plan sonore peut autant ajouter au meilleur de la séduction du film (d’autant que cela me rappelle la musique du trailer « elevator » de shining), autant qu’il puisse aussi bien agacer que le côté contemplatif creux monotone. Bien que dans ses moments d’errances qui donnent à voir un monde de solitude plus ou moins consciente (parties tournées -soi-disant- en plan caché en go-pro) et l’ignorance d’une terre au prise à un danger probable (que le film ne cherche pas à décrire comme dans le livre) et qui semble tenir de la série B bien kitch déjà vu ailleurs par les amateurs de sf donne une résonance un peu plus profonde mais pas exploité. Le film tient à la fois de 2001, THX 1138, L’homme qui venait d’ailleurs, Mortelle randonnée et Ne jouez pas avec les Martiens…!! A l’inverse de Her, ici Scarlet « vous m’en mettrez pour un 1 $ »nous donne plus à voir qu’a entendre en se mettant à nue de bien des façons. Objet assez curieux pour vous souhaitez de vous faire votre propre avis.
Hello kub57,
Voilà un avis très complet, très argumenté, et plein de nuances. Intéressant !
Je crois qu’on se rejoint assez sur ce film : il y a plein de choses intéressantes à en retenir, mais aussi des éléments réellement agaçants, comme tu le décris si bien.
J’aime beaucoup les références que tu cites, et je sis assez d’accord avec toi (je ne connais pas NE JOUEZ PAS AVEC LES MARTIENS en revanche … Je vais me le noter du coup 😉 )
Reste une Scarlett Johansson entre fascination et actrice en quête de reconnaissance. Pour moi, ce rôle elle est clairement allée le chercher aussi pour parfaire son CV d’actrice. C’est mon avis 🙂
Avec le seul Match point, son CV suffit pour moi.
2 films très « courageux » que Under… et Her, bravo mademoiselle. Cela mérite presque l’hommage EuropaCorp des César (nan, j’déconne).
Ne jouez… tient de la plaisanterie, même si j’ai véritablement pensé à ce curieux film fr dont j’ai galéré pour retrouvez le titre.
Pour Mortelle…, cela tient à la coiffure (et au spleen) des deux personnages si je me souviens bien.
Mais Glazer ne veux pas entendre parler de refs…