Comment s’aimer quand on est deux femmes d’âges très différents, de milieux sociaux très différents, et que l’on vit à l’orée des années 1950 ? Mais surtout, comment aimer une autre femme quand on est une femme, de surcroît mariée ? …
Le film CAROL raconte cette histoire d’amour presque banale entre deux personnes que tout oppose : leurs statuts sociaux, leurs âges, leurs rythmes de vie. Mais cette histoire devient beaucoup moins banale quand elle concerne deux femmes, alors aux prises d’une société qui n’accepte pas leur amour et ne donne pas le droit à leur relation d’exister au grand jour.
Le cinéaste américain Todd Haynes entraîne dans le tourbillon dévastateur de l’amour deux actrices exceptionnelles, Cate Blanchett et Rooney Mara (Prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes 2015), qui se subliment devant sa caméra.
Todd Haynes est un réalisateur qui tourne peu, seulement sept longs-métrages en vingt-huit ans de carrière. On se souvient en particulier du très glam rock VELVET GOLDMINE en 1998, et du troublant LOIN DU PARADIS sorti en 2002 avec Julianne Moore.
Le cinéaste avait travaillé une première fois avec Cate Blanchett en 2006 pour I’M NOT THERE, un étonnant film sur la vie du chanteur Bob Dylan. Avec CAROL, il offre à l’actrice un rôle intense et grandiose à la hauteur de son talent !
Ce film est l’adaptation du roman du même nom écrit par Patricia Highsmith, que la romancière américaine publie en 1952 sous un pseudonyme. En effet, elle ne peut assumer d’être l’auteur d’une histoire d’amour entre deux femmes dans la société américaine des années 50, qui ne le tolère évidemment pas. Pourtant, le roman connaît un grand succès en librairies.
Le réalisateur Todd Haynes ne porte pas cette histoire sur grand écran par hasard : ayant toujours ouvertement assumé sa propre homosexualité, le cinéaste aborde ici un sujet qui lui tient inévitablement à cœur. Mais CAROL est bien plus qu’une histoire d’amour homosexuelle : le film nous donne aussi à voir la cruauté de la société puritaine américaine, ainsi que la terrible pression sociale que subissent les femmes à travers les règles sexistes et inégalitaires du mariage à cette époque.
Cate Blanchett, d’une élégance infinie ici, est Carol, une bourgeoise dont le mariage la rend malheureuse, et qui se réfugie dans l’amour qu’elle porte à sa petite fille … et dans des relations extraconjugales. Un jour, Carol rencontre la jeune Thérèse, qu’interprète l’angélique et frêle Rooney Mara. Thérèse est vendeuse dans un grand magasin de jouets de Manhattan.
Les deux femmes se revoient, se découvrent, puis commencent à passer de plus en plus de temps ensemble. Malgré leurs grandes différences et les univers très opposés dans lesquels elles évoluent, leur attirance devient une évidence, si bien qu’elles ne réussissent plus à le cacher à leur entourage respectif. Carol et Thérèse décident alors de quitter New York et de partir pour un roadtrip jusque Chicago, sur les routes américaines enneigées.
Ainsi, le long-métrage se divise en deux parties : la première dans les rues de New York en pleine période de Noël, et la seconde partie prend véritablement les allures d’un road movie féminin.
Todd Haynes signe avec CAROL un récit marqué par une élégance et une pudeur infinies, que sa fausse lenteur ne fait que sublimer davantage. Les deux personnages principaux se cherchent souvent du regard, mesurent chacune de leur parole, préfèrent parfois le silence qui en dit bien plus que de trop longs discours.
Sublimé par une photographie d’une beauté incroyable (Todd Haynes collabore ici pour la quatrième fois avec le directeur de la photographie Ed Lanchman), CAROL subjugue par la poésie de son esthétique, où tous les éléments des décors, des costumes et des paysages participent à cette merveille visuelle. Même la neige et le froid de l’hiver sont savamment exploités pour servir la grâce et le raffinement du film.
Livrant un film d’une beauté sidérante, Todd Haynes offre à la fois des rôles intenses et inoubliables à ses deux actrices principales, tout en nous donnant à voir la violence psychologique et morale que la société a pu imposer aux femmes à une certaine époque. Pamphlet féminisme, mais finalement avant tout récit profondément humaniste, CAROL est un film précieux, touchant, nécessaire, et aussi une grande œuvre de cinéma.
CAROL, sortie en France le 13 janvier 2016.
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Article rédigé par Elle.
6 réponses sur « CAROL : être une femme libérée, tu sais c’est pas si facile »
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Bonjour, j’ai toujours un immense plaisir à participer à vos concours, car vous présentez de très bons films!Le film CAROL est une adaptation d’un roman de Patricia Highsmith.
L’actrice Rooney Mara a obtenu le prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes 2015.
Merci pour ce jeu et bonne soirée!
Entièrement d’accord avec votre critique, j’ai trouvé ce film magnifique. Cate Blanchett est comme toujours évanescente, vaporeuse et il se dégage d’elle quelque chose de magnétique et ce dans tous ses rôles.
Ronney Mara est aussi excellente, mais un peu plus distante, mais s’abandonne complétement dans les bras de Carol. Ma scène préférée reste chez les avocats quand Carol s’adresse à son ex et qu’elle s’assume enfin…
Si à l’amor, si à la libertad 🙂
Bonjour Eleane,
Merci beaucoup de nous faire partager ton avis sur le film CAROL. 🙂
Moi aussi, je trouve la scène chez l’avocat absolument bouleversante, très forte et très marquante !
À très bientôt sur Go with the Blog. 🙂
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