Soyez en sûrs, UN ILLUSTRE INCONNU est un film qui va susciter les débats et les discussions, mais pour de bonnes raisons ! Complexe, passionnant et vrai objet de curiosité, ce film inclassable risque fort d’en déstabiliser certains, d’en surprendre la plupart, de donner envie de réagir pour le plus grand nombre.
Agent immobilier d’une banalité confondante, Sébastien Nicolas n’a jamais eu vraiment d’imagination. Célibataire, il ressemble à tout le monde … et à personne. Faute de se construire une personnalité, il copie les autres. Oui, il observe les gens, des inconnus, des personnes qu’il croise dans la rue, dans son travail : il les suit puis les imite, jusqu’à prendre littéralement leurs apparences.
Mais dans cette inlassable quête identitaire particulièrement troublante et névrotique, il y a une rencontre qui risque fort de faire chuter Sébastien Nicolas.
D’abord intriguant, puis angoissant, pour finir par devenir littéralement fascinant, UN ILLUSTRE INCONNU refuse de se fixer dans un genre en particulier, quelque part entre le thriller, le film psychologique, le film social aussi. Sans identité déterminé (tiens, comme son personnage principal), UN ILLUSTRE INCONNU installe une atmosphère clinique et intrigante dès ses premières minutes, avant de vraiment s’engager sur la voie du thriller mental.
Dans les dédales de l’esprit du personnage de Sébastien Nicolas, le spectateur est surpris par les chemins qu’emprunte le récit, qui ne va pas forcément là où on l’attend. Et c’est là une vraie force du long-métrage, même si l’on peut aussi comprendre que cela en déstabilisera certains …
Guidé par une réflexion profonde et pertinente sur l’identité, l’individu, ainsi que sur la solitude, UN ILLUSTRE INCONNU se place en permanence à hauteur de son personnage principal, qui ne quitte jamais l’écran. C’est lui que l’on suit, que l’on regarde devenir tous ces autres, c’est lui que l’on essaie de cerner – tant que faire se peut -, tandis que cet énigmatique personnage de Sébastien Nicolas parle si peu, quasi muet.
Les scénaristes Matthieu Delaporte et Alexandre De La Patellière (qui sont les deux auteurs et réalisateurs du gros succès box-office LE PRÉNOM sorti en 2012) ont réussi à traiter un sujet profondément contemporain, en se détachant intelligemment des marques de notre société, et en élevant leurs questionnements à quelque chose de plus profond.
Avec ce film, ils nous amènent en effet à réfléchir sur notre propre obsession contemporaine à vouloir sans cesse nous créer des doubles de nous-mêmes, via les réseaux sociaux par exemple. Un profil Facebook n’est-il pas une sorte de projection idyllique de nous-mêmes, où nous ne donnons à voir que le positif, que les bonnes choses de notre quotidien, et donc une réalité tronquée et partielle ?
Pour porter ce récit à l’esthétique si marquée, il fallait bien entendu un acteur hors normes, singulier, capable d’aller au-delà de la simple métamorphose physique. Matthieu Delaporte et Alexandre De La Patellière sont allés chercher le rare Mathieu Kassovitz, qui ne reprend sa casquette de comédien que pour des projets choisis au compte-gouttes. Pour UN ILLUSTRE INCONNU, il se transcende véritablement, et vient par la même occasion balayer d’un revers de manche tout les on-dit le concernant.
Oubliez ce que vous avez pu lire et entendre sur Mathieu Kassovitz, car dans les habits de ce personnage principal, il est ici tout simplement exceptionnel ! On le connaissait radical dans ASSASSIN(S), habité dans AMEN. de Costa-Gavras, on le découvre glaçant, protéiforme, et surtout époustouflant de maîtrise sous les traits de cet ILLUSTRE INCONNU !
Arborant des visages multiples, poussant très loin la transformation physique, le mimétisme (jusqu’à la voix … et même au-delà, on vous laisse le découvrir dans le film), Kassovitz trouve clairement ici un de ses rôles les plus marquants, rappelant même dans certaines séquences le cultissime acteur du début du XXème siècle, Lon Chaney.
Sans en faire un film parfait, et si l’on peut tout à fait discuter de la trame narrative et de certains éléments dans la deuxième moitié du récit, UN ILLUSTRE INCONNU nous impressionne beaucoup en tout cas, et s’affirme comme un film marquant à bien des égards.
Audacieux et puissant à la fois par sa radicalité esthétique et l’implication de son acteur principal, UN ILLUSTRE INCONNU fait clairement partie, pour nous, des meilleurs films français de cette année 2014.
Page Facebook officielle du film UN ILLUSTRE INCONNU.
UN ILLUSTRE INCONNU, sortie en France le 19 novembre 2014.
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Article rédigé par Elle.
6 réponses sur « UN ILLUSTRE INCONNU : cet autre Mathieu Kassovitz »
Encore un film que GoWITH me donne envie d’aller voir!
Salut,
Cool ! 😉 C’est vraiment un film qu’on recommande, il mérite d’être vu ne serait-ce que pour en discuter en débattre, car il invite au débat !
Merci pour ton message 😉
Parcours extrême et très atypique d’un personnage qui se préfèrerais « autre ». Un questionnement de l’identité (décidément en vogue ces derniers temps sous toutes longitudes) avec un angle différent. Kassovitz impeccable et mise en scène aussi discrète que le personnage tout en étant assez puissante, bien dans le ton général qui révèle de bonnes surprises tout le long.
Bonjour widescreen,
Merci pour ton retour sur le film.
Pour la mise en scène, je ne la qualifierais peut-être pas de « discrète » mais vraiment de « glacial », presque chirurgicale (des tons et des couleurs pâles dominent, dans les habitations, les décors en général, les costumes, etc …). Je trouve qu’il y a un gros travail pour créer cette atmosphère angoissante qui accompagne le personnage principal.
Le film t’a t-il ému, touché … ? Perso, ça m’a assez touchée, entre peur et angoisse, et aussi de l’émotion pour le personnage.
Par discrétion, j’entendais pas tape à l’œil dans les maquillages par exemple. Elle reste dans l’ambiance de son sujet.
Pour les émotions, un peu pareil que toi, avec plus ou moins d’intensité, suivant les séquences.
Bravo, aux auteurs, après un somme toute banal Le prénom.
Merci beaucoup pour tes précisions 🙂
C’est vrai qu’on n’attendait pas DU TOUT les réalisateurs du PRÉNOM avec un second film comme celui-ci ! Preuve de leur capacité à prendre des risques, et d’une certaine ambition, c’est rare dans le cinéma FR.