Roman culte de toute une génération et bien au-delà, « Sur La Route » écrit en 1951 par Jack Kerouac se traîne la réputation d’oeuvre littéraire inadaptable au cinéma. Francis Ford Coppola en acquiert les droits dés 1968, et il a donc fallu attendre quarante-quatre années pour trouver un réalisateur qui accepte de relever l’impossible défi.
Sal Paradise est un jeune écrivain en devenir qui vit à New York. Peu de temps après le décès de son père, il fait la connaissance de Dean Moriarty, un type de son âge qui a déjà connu la prison, et surtout qui lui apparaît comme épris de liberté et d’idéaux. Marié à la très jeune Marylou, Dean propose à Sal de venir avec lui et la jeune fille pour traverser les États-Unis en voiture. Sal considère qu’à cet instant commence sa vie SUR LA ROUTE.
Il n’est pas si simple de parler du film réalisé par Walter Salles, cinéaste brésilien à qui l’on doit CENTRAL DO BRASIL et CARNETS DE VOYAGE. D’abord parce que le film est assez singulier, déconnecté de toutes les modes actuelles, hors du temps et pourtant tellement inscrit dans une époque mais déjà si lointaine. Et parce qu’à l’image du roman de Kerouac, la perception qu’en a chacun dépend terriblement de sa propension à se laisser porter par cette jeunesse des années 50-60, consommatrice de drogues à outrance, sexuellement débridée, très loin du modèle du couple traditionnel, et surtout enclin à chercher des repères et de nouveaux idéaux avec une fureur de vivre sans limites.
SUR LA ROUTE est un film long, tout à la fois contemplatif, fougueux et virevoltant par moments. Walter Salles se devait de faire des choix dans son adaptation, le roman est beaucoup trop dense et foisonnant pour être exploité sous tous ses aspects. Alors le réalisateur privilégie ici avant tout ses personnages. Nous sommes au plus près d’eux, leurs corps nous sont montrés dans leur beauté et aussi leur âpreté, sales et repoussants, la sueur se mêlant à la crasse des journées passés sur les routes des États-Unis.
Il faut dire que ces personnages sont incarnés ici par des acteurs qui donnent beaucoup, et le casting dans son ensemble est une incroyable réussite ! Sam Riley qui tient le rôle principal de Sal Paradise (le double fictionnel de Jack Kerouac), traduit avec beaucoup de grâce la fougue littéraire et le désir d’ailleurs de son personnage. À ses côtés, le surprenant Garrett Hedlund nous étonne dans sa composition presque chevaleresque de Dean Moriarty, celui qui ment à tout le monde et à qui pourtant tout le monde fait confiance. Entre les deux jeunes hommes, Marylou, à travers sa candeur et sa liberté qui semble sans bornes, tisse un lien quasi indescriptible. Kristen Stewart apporte au personnage de cette jeune fille, sorte d’oiseau tombé du nid, aussi bien une sensibilité fragile qu’une sensualité folle. On pourrait citer chaque comédien car même les seconds rôles sont brillants. Un mot tout de même sur Viggo Mortensen qui campe un Old Bull Lee (double de William Burroughs, ami de Kerouac) bluffant de justesse, avec notamment un travail sur la voix remarquable.
Là où Walter Salles a vu juste, c’est dans le rythme insufflé à son long-métrage, en s’appuyant notamment pour de larges séquences sur une bande-son jazz de grande qualité. Cette musique est fondamentale dans le roman, mais aussi dans l’écriture de Jack Kerouac, dans ses inspirations, et dans cette époque. Les scènes de danse frénétique ou encore celle du concert auquel assistent Sal et Dean dans un Club de San Francisco, restituent très bien l’importance du jazz.
Il est certain que SUR LA ROUTE le film dont il est question ici, n’est pas parfait et que l’on peut lui reprocher de passer à côté de la poésie littéraire du roman, de ne pas nous faire sentir cette Amérique que découvre Sal Paradise, de parfois trop insister sur la sexualité affranchie de toutes limites à laquelle s’adonnent les personnages masculins du film. Mais Walter Salles ne pouvait pas tout transposer à l’écran, ou alors il aurait fallu accepter de voir un film de dix heures.
Cette adaptation cinématographique n’est en rien définitive, et peut-être dans quelques années un autre cinéaste viendra se frotter à ce défi. SUR LA ROUTE réalisé par Walter Salles réussit en tout cas à nous témoigner avec beaucoup d’énergie de cette amitié si particulière et si forte qui lie Sal Paradise et Dean Moriarty, cette fascination qu’ils ont l’un pour l’autre.
Avec un casting impeccable et exceptionnel, le film rend compte d’une génération singulière, de jeunes gens tous terriblement en quête d’eux-mêmes et à la recherche de repères. Dans leurs errances, leurs mensonges, leurs trahisons, leurs souffrances et leurs amours, ils se réinventent des idéaux et des illusions avec cette sensation que rien ne peut leur arriver.
SUR LA ROUTE, sorti en France le 23 mai 2012.
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=fghUWGxTmqg[/youtube]
Article rédigé par Elle.
5 réponses sur « SUR LA ROUTE : le défi de Walter Salles »
[…] au bas de cet article en nous expliquant en quelques lignes ce qu’évoque pour vous SUR LA ROUTE (vous pouvez parler du roman comme du film si vous l’avez déjà vu, ou si vous êtes […]
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