Depuis plus de vingt ans, l’australien Baz Luhrmann nous a habitué à un cinéma qui s’autorise tout, s’affranchit de toutes les limites du bon et du mauvais goût, et n’hésite pas à s’attaquer à des projets périlleux en faisant voler en éclats dans ses films toute forme de cohérence historique.
En 1996, il adapte la pièce de William Shakespeare « Roméo et Juliette » dans une version trash, violente et rock n’ roll, et offre à l’époque la possibilité au jeune Leonardo DiCaprio de bousculer son image de sex-symbol pour adolescentes. Dix-sept ans plus tard, Luhrmann retrouve DiCaprio pour l’ambitieux projet de porter sur grand écran le roman culte de F. Scott Fitzgerald, GATSBY LE MAGNIFIQUE. Dans une version grandiloquente et ultra glamourisée, Baz Luhrmann nous peint un Gatsby noyé dans les paillettes et la démesure.
GATSBY LE MAGNIFIQUE version Baz Luhrmann prend ici des allures de fresque exubérante : l’accent est mis avant tout sur le decorum, la démesure des fêtes qu’organise le mystérieux personnage de Gatsby dans son immense demeure. Le réalisateur australien est alors dans son élément, et il joue de toute son exagération de mise en scène, de sa folie baroque et clinquante pour reconstituer ces soirées folles qui nous en mettent plein les yeux !
C’est certain, Baz Luhrmann sait y faire, et le début de son film explose comme un feu d’artifices de paillettes et de couleurs, filant à un rythme effréné où les travellings sont incessants, quitte à retourner un peu la tête du spectateur embarqué dans cette orgie de décors et de costumes.
Pourtant au milieu de ces fêtes qui se répètent (beaucoup, parfois trop) à l’écran, il y a des personnages qui essaient tant bien que mal d’exister. GATSBY LE MAGNIFIQUE c’est aussi l’histoire d’un drame personnel, d’un amour impossible qui ronge de l’intérieur le personnage principal, lui-même figure métaphorique de l’Amérique d’avant 1929 et d’une certaine décadence.
Mais le principal souci avec ce long-métrage de Baz Luhrmann, c’est que le réalisateur semble oublier ses personnages, ou du moins se refuse à les explorer dans leurs profondeurs d’âme et leurs complexités. Obsédé par sa mise en scène tape-à-l’œil, il nous livre certes un joli numéro esthétique, mais finit très vite par essouffler son propre projet à force de rester ainsi à la surface de toute son histoire.
C’est d’autant plus dommage que le casting est pourtant bel et bien là ; livrés un peu à eux-mêmes, les comédiens font ce qu’il peuvent, et heureusement qu’ils sont capables de quelques fulgurances dans leur jeu, pour nous permettre d’apprécier certaines séquences où enfin l’émotion – trop rare – devient palpable. On se doit de dire un mot sur Carey Mulligan, frêle Daisy Buchanan qui réussit à retranscrire à la fois la fougue de la jeunesse de son personnage, et en même temps une certaine mélancolie proche de la résignation.
Et puis il y a Leonardo DiCaprio. Acteur sublime et crépusculaire, condamné à un purgatoire hollywoodien inexpliqué et inexplicable puisque l’Académie des Oscars se refuse à lui remettre une statuette pourtant cent fois méritée, DiCaprio incarne Gatsby comme sans doute aucun autre acteur de sa génération n’aurait pu le faire, avec une subtilité de jeu et une intelligence qui touchent indéniablement au génie.
Ce qui est intéressant ici, c’est qu’à travers les différentes phases que traverse Gatsby, on a l’impression de revoir en filigrane la trajectoire de DiCaprio lui-même. Le parallèle entre l’acteur et son personnage apparaît de plus en plus inévitable au fur et à mesure que progresse le long-métrage.
En dépit d’une histoire au potentiel dramatique indiscutable, Baz Luhrmann fait de son GATSBY LE MAGNIFIQUE un exercice ultra stylisé et démonstratif, où la forme prime malheureusement sur le fond. Il nous faut attendre les vingt dernières minutes (sur un film de 2h22, l’attente est longue) pour qu’enfin l’émotion se fasse un peu ressentir, ce qui est presque un comble tant la charge émotionnelle du personnage de Gatsby est débordante. Sauvé avant tout par un casting de haute volée et surtout un Leonardo DiCaprio impérial, on regrette inévitablement que le réalisateur n’ait retenu que le qualificatif de ‘magnifique’ dans l’œuvre de F. Scott Fitzgerald.
GATSBY LE MAGNIFIQUE, sortie en France le 15 mai 2013.
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Article rédigé par Elle.
4 réponses sur « GATSBY LE MAGNIFIQUE : tout ce qui brille n’est pas d’or »
Le problème des personnages qui vous dépeignez n’est pas dû à la réalisation de Baz Luhrmann mais bel et bien à un livre sans âme.
Bonjour Céline 🙂
Merci pour ta réaction.
En toute honnêteté, je n’ai pas encore lu le livre de Fitzgerald. Mais l’histoire et les personnages tels qu’ils sont présentés, donnent l’impression en tout cas qu’il y a des choses à creuser.
Mais je te fais bien entendu confiance sur ton commentaire sur le roman 😉
À bientôt !
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