Voilà très certainement un des premiers films forts de l’année cinéma 2015 ! Remarqué tout d’abord au Festival de Cannes en 2014 où il reçoit le Prix de la mise en scène, FOXCATCHER arrive sur nos écrans précédé d’une pluie de nominations aux États-Unis, dans les principales cérémonies de remises de prix cinéma, dont les Golden Globes et les Oscars.
FOXCATCHER est un drame qui se base sur une histoire vraie dans le milieu sportif américain : deux frères qui pratiquent la lutte dans les années 80, sont approchés par un milliardaire excentrique du nom de John E. du Pont : celui-ci veut constituer et financer une équipe de lutteurs professionnels, dans le but de préparer les Jeux Olympiques de Séoul en 1988.
Si Mark Schultz, le plus jeune des deux frères, accepte de suite la proposition de John E. du Pont, Dave Schultz met un peu plus de temps à se laisser convaincre.
Le projet Foxcatcher (du nom de cette équipe de lutteurs) prend alors forme au sein de l’immense propriété de John E. du Pont. Mais petit à petit, la personnalité trouble de John E. du Pont commence à se révéler.
Le réalisateur de FOXCATCHER, Bennett Miller, s’était déjà intéressé à une histoire vraie dans le monde sportif américain avec son deuxième long-métrage – passé un peu inaperçu en France en 2011 -, LE STRATÈGE (MONEYBALL en VO). Dans ce film avec Brad Pitt et Jonah Hill, Bennett Miller nous plongeait dans la complexité des transferts sportifs dans le baseball, véritable partie d’échecs où parfois le destin d’une équipe et des joueurs se jouent en une nuit, avec des enjeux financiers cruciaux.
On retrouve dans FOXCATCHER des thèmes communs avec LE STRATÈGE : les deux films s’inspirent d’une histoire vraie dans le milieu sportif US, mettent en avant des sports pas du tout glamour (le baseball pour l’un, la lutte gréco-romaine pour l’autre), et décortiquent des sujets comme la gloire et la déchéance, la réalité brutale du sport, le tout porté à chaque fois par des acteurs exceptionnellement bien dirigés.
Mais la grande différence, c’est que FOXCATCHER est avant tout un drame d’une noirceur flippante, un récit qui glisse petit à petit vers un étrange huis clos où tout va se jouer dans l’immense propriété isolée en Pennsylvanie du personnage de John E. du Pont, interprété par Steve Carell.
Si au début on croit naïvement avoir à faire à une sorte de biopic sur un sportif un peu paumé (Mark Schultz, incarné par Channing Tatum), on comprend, au fur et à mesure que le récit se concentre en un lieu géographique précis – la demeure de John E. du Pont -, que le réalisateur nous entraîne dans l’implacable descente aux enfers des personnages, rongés chacun à leur façon par une forme de folie vénéneuse.
Le réalisateur s’attache à reconstituer, jusque dans ses moindres détails, une histoire qui dépasse l’entendement, malgré la simplicité apparente de l’intrigue qui se déroule sous nos yeux.
En effet, il ne faut pas s’attendre à des rebondissements fous toutes les cinq minutes dans le déroulé du récit. Cependant, la tension est bel et bien là, rendue possible grâce à la mise en scène presque clinique de Bennett Miller, qui n’a absolument rien laissé au hasard. Décors, costumes, photographie, paysages, lumière brumeuse des matinées en Pennsylvanie, il exploite tous ces éléments pour développer tout au long de son film une atmosphère de plus en plus tendue, dérangeante, presque nauséeuse.
On lui reprochera seulement les reconstitutions des scènes de compétitions officielles (les championnats du monde de lutte en France, et les séquences de qualification aux JO), où la mise en scène est ici a contrario un peu ratée.
Et puis surtout, FOXCATCHER nous offre la réunion d’un trio d’acteurs qui trouvent chacun ici des rôles d’exception où ils sont absolument exceptionnels !
Mark Ruffalo (présent surtout dans la deuxième moitié du film) est irréprochable : il livre un jeu subtil dans son rôle de grand frère qui tente de protéger Mark, sans être tout à fait capable de le sortir de la spirale dans laquelle il est tombé.
Channing Tatum, quant à lui presque omniprésent à l’écran, interprète un sportif un peu simple d’esprit, et qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez. Dans ce qui est certainement son meilleur rôle jusqu’à présent, Tatum réussit, avec un minima de dialogues, à maîtriser toute la complexité et l’intensité de son rôle, à la fois monstre de muscles et proie fragile.
Et puis, surtout il y a Steve Carell, au visage méconnaissable. Ahurissant et particulièrement flippant tout du long, Steve Carell donne au mystérieux personnage de John E. du Pont une dimension folle !
Personnage insaisissable, pétri de complexes, et qui n’a jamais achevé son complexe d’Oedipe, John E. du Pont alterne entre une position de dictateur presque control freak, faisant de Mark Schultz sa chose, sa créature, son Frankenstein, et une stature terriblement pathétique et ridicule.
L’une des scènes les plus incroyablement invraisemblable du film, quand dans le gymnase d’entraînement John E. du Pont veut montrer à sa mère que c’est lui le coach de la Team Foxcatcher (alors qu’il ne connaît que très peu de choses à la lutte gréco-romaine), est un des moments les plus angoissants de FOXCATCHER, et l’une des plus belle définition de ce qu’est le pathétique.
Intense, angoissant et aussi exigeant, FOXCATCHER dépasse le fait divers ou le simple récit sportif historique, pour livrer rien de moins que le portrait de la folie.
Un tour de force.
Page Facebook officielle du film FOXCATCHER.
FOXCATCHER, sortie en France le 21 janvier 2015.
[youtube]http://youtu.be/AZ2cDF06AEE[/youtube]
Article rédigé par Elle.
11 réponses sur « FOXCATCHER : la lutte finale »
« Intense, angoissant et aussi exigeant, FOXCATCHER dépasse le fait divers ou le simple récit sportif historique, pour livrer rien de moins que le portrait de la folie. »
Oui, mais plutôt implicite qu’explicite, pas forcement un mal, sauf qu’ici cela passe souvent par de l’ennui.
La mise en scène, le tempo appliqué suscite d’emblée l’intérêt faisant corps avec les performances d’acteurs à contre pied de leurs rôles habituels aussi bien dans le jeu que par l’image qu’ils donnent (inclus S. Miller) + la composition de M. Ruffalo en une sorte de Hulk serein et une époustouflante V. Redgrave. Puis la curiosité du sujet s’émousse alors même qu’il y a des relances sur la réussite et les maux made in usa. Derrière A most violent year, Foxcatcher ne tient pas trop la route, un peu à l’image de ce sport assez ridicule dont même les protagonistes semblent se foutre.
Salut widescreen,
Je n’ai pas ressenti cette baisse d’intérêt pour le sujet du film que tu évoques. Pour ma part, je suis restée captivée tout du long, et comme je n’avais quasi rien lu sur FOXCATCHER avant de le voir, j’ignorais l’issue finale, qui est donc apparue assez violemment pour moi.
Le rythme du film est très particulier, je le concède sans souci, mais je trouve justement qu’il est en adéquation avec les décors brumeux du film, ainsi qu’avec la tension qui s’installe entre les trois personnages.
On sent que tout cela est voué à mal se finir, mais on ignore comment.
Quant au sport en lui-même, je te laisse à ton propre jugement tout à fait respectable.
Je ne le trouve pas ridicule, je pense que c’est un sport assez complexe qui fait appel autant à la domination physique que psychologique de son adversaire. Et ce n’est sans doute pas un hasard si cette histoire se déroule dans ce milieu sportif en particulier.
Derrière son aspect absolument pas esthétique (tant dans les tenues des sportifs que dans sa pratique elle-même), la lutte gréco-romaine convoque tout un tas de symboliques intéressantes. Et ce n’est pas pour rien que le personnage de John E. du Pont choisit ce sport en particulier pour essayer d’exister dans les yeux de sa mère.
J’ai vu le film hier soir. J’y suis allé à reculons car la thématique ne me tentait pas.
Je ne le regrette pas. C’est une merveille de cinéma.
Les 3 acteurs principaux sont exceptionnels dans des genres très différents.
La réalisation est au poil. Tout en subtilité, elle laisse le spectateur comprendre lentement ce qui se trame.
Salut,
Merci beaucoup de nous faire partager ton ressenti sur FOXCATCHER !
C’est certain que sur le papier, un film sur la lutte gréco-romaine, c’est pas très sexy.
Mais on voit que tu as été conquis comme nous, à la fois par les prestations épatantes du trio d’acteurs, et cette mise en scène lente, un peu exigeante, mais très prenante.
J’ai ressenti le film avec un impact moins violent que la mère pour ce sport. Et oui la fin, difficile de la voire venir. Mais j’ai pas accroché sur le rythme et la (les) thématique(s) dépeinte(s) sans conviction.
Salut widescreen,
Pas de souci, je comprends très bien ton point de vue 🙂
Comme je disais, je comprends que le rythme particulier de ce film ne fonctionne pas forcément avec tout le monde. Merci beaucoup de ton avis en tout cas, toujours intéressant à lire !
Merci.
[…] Le casting quand à lui est plutôt correct, le duo Mila Kunis et Channing Tatum-récemment vu dans FOXCATCHER- fonctionne et on notera la prestation inquiétante et notable de Eddie Redmayne (UNE MERVEILLEUSE […]
Bonsoir,
Merci de m’avoir fait gagné deux places, sans quoi je serais passé à côté de ce film ! J’ai vu peu de publicité mais c’est un très bon film qui mérite d’être vue. Ce film parle de sport et nous font connaitre la lutte en général…trois bon acteur sont au coeur du film et on apprend que même lorsqu’on est très riche on est pas forcément heureux, tout ne peut pas s’acheter. Les dialogues sont forts, les acteurs jouent à la perfection…..bref avec mon mari on a tous les deux adorés et on vous remercie. Bonne soirée
Coucou COXYGOLD,
Merci mille fois d’être venue nous faire partager ton avis sur le film après avoir gagné des invitations pour FOXCATCHER sur notre Blog ! 🙂
Ton commentaire nous fait très plaisir, et nous sommes hyper contents d’avoir contribué, grâce à ce concours, à te faire découvrir ce film (ainsi qu’à ton mari), un film qui nous a beaucoup touchés.
À très bientôt sur Go with the Blog ! 😉
[…] Steve Carell, qui ne cesse de nous impressionner après sa prestation marquante dernièrement dans FOXCATCHER. À leurs côtés, Ryan Gosling et Brad Pitt se montrent sous leurs meilleurs jours. À noter que […]
[…] militant de la communauté gay est joué par l’excellent Steve Carell (THE BIG SHORT, FOXCATCHER), qui amène de l’humour et de la légèreté dans ce récit complexe et intense. C’est en […]