Au sein d’une très riche famille coréenne, Youngjak est engagé comme secrétaire particulier, chargé aussi bien d’apporter le thé que des valises pleines d’argent à divers hommes politiques du pays. Partagé entre ses principes d’honnête homme et l’opportunité d’avoir une vie confortable, sa situation devient un enfer lorsque cette famille se retrouve à la fois victime d’une attaque extérieure par le biais d’une enquête policière, et chamboulée par une trahison interne.
Manipulé, humilié et dans le doute, Youngjak doit autant sauver sa vie qu’essayer de sauver son âme, dans cet univers où mensonges, non-dits et pouvoir sont les maîtres mots.
On pourrait résumer L’IVRESSE DE L’ARGENT par cette formule : un Chabrol en Corée. En effet, le film dépeint les coulisses et les secrets d’une famille de la très haute bourgeoisie, qui ne jure que par le pouvoir, l’argent, et surtout la préservation de l’honneur à n’importe quel prix. Pour nous faire pénétrer dans cette intimité, le réalisateur Im Sang-Soo a entrepris un travail méticuleux et particulièrement réussi sur les décors, les costumes et la lumière, créant ainsi une ambiance froide, singulière, et oppressante.
Les décors – principalement ceux de la maison familiale qui devient rapidement un huis-clos pendant les deux tiers du film -, sont épurés, marqués par une grande linéarité horizontale, où seuls quelques œuvres d’art viennent par moments briser les lignes. Ces décors traduisent avec élégance et raffinement, toute la rigidité et l’âpreté de cette maison et de ses habitants.
Les femmes sont quant à elles magnifiquement habillées par de nombreuses toilettes toutes soignées et somptueuses, et il en va de même pour les hommes dont les costumes sont superbement taillés, les amateurs s’en délecteront.
Quant à la lumière du film, elle joue sur un clair obscur permanent, créant ainsi une atmosphère suffocante, sombre et malsaine, à l’image de la famille Baek. L’ensemble de ce travail sur les costumes, les décors et la lumière, participe au projet du réalisateur coréen de nous montrer la face cachée et malveillante de cette richesse clinquante, où le luxe est si quotidien qu’il en devient banal.
En plus de cela, les acteurs – regroupant les grandes figures du cinéma coréen (Yoon-Sik et Youn Yuh-Jung) et la jeune génération montante (Kim Kang-Woo et Kim Hyo-Jin) – sont tous excellents. Leur jeu est extrêmement retenu et mesuré, mais terriblement convaincant. Cela participe également à la volonté de créer un univers froid, glacial et pervers. Mention spéciale à Youn Yuh-Jung, matriarche de la famille prête à tout pour les siens, mais surtout pour elle-même. Elle interprète cette odieuse femme qui règne en maître et sans partage sur l’héritage industrielle et sa fortune familiale, manipulant son monde à sa guise et utilisant les personnes qui l’entourent comme de simples pions. Youngjak (interprété par Kim Kang-Woo) en fera dangereusement les frais.
Enfin, le scénario tient également toutes ses promesses, et le malheureux Youngjak se retrouve manipulé de toutes parts. On découvre minute après minute une famille qui n’a aucune limite ni dans le mensonge ni dans la perversité, n’hésitant pas à sacrifier quiconque s’opposant à leur destin. Plus on avance dans L’IVRESSE DE L’ARGENT, plus on s’enlise dans un univers glauque et malsain où tout s’achète, et à n’importe quel prix !
On suit donc avec inquiétude ces personnages si propres à l’extérieur et pourtant si sales en coulisses, dans une histoire rugueuse, qui sent le souffre, et qui ne connaît aucun moment de faiblesse. L’IVRESSE DE L’ARGENT puise sa force dans une atmosphère glaciale et sadique parfaitement reconstituée, grâce à un fabuleux travail de la part du réalisateur Im Sang-Soo et de ses comédiens. Un vrai régal que l’on vous recommande !
L’IVRESSE DE L’ARGENT, sortie en France le 23 janvier 2013.
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Article rédigé par Lui.
2 réponses sur « L’IVRESSE DE L’ARGENT, réalisé par Im Sang-Soo »
Très bonne critique que je rejoins en tout point (acteurs,photo…).
Le rapprochement avec l’univers Chabrolien est bien vu 🙂
Merci pour ce commentaire.