Après des films au caractère historique tels INDIGÈNES et HORS-LA-LOI, le réalisateur franco-algérien Rachid Bouchareb a décidé d’entamer une trilogie américaine. Il a ainsi tourné en 2012 JUST LIKE A WOMAN, un téléfilm avec Sienna Miller. Et voici donc le second volet de cette trilogie, LA VOIE DE L’ENNEMI.
Très librement inspiré de DEUX HOMMES DANS LA VILLE (film de genre des années 70 avec Alain Delon et Jean Gabin), LA VOIE DE L’ENNEMI suit le parcours de réinsertion de Garnett (Forest Whitaker), ancien membre d’un gang du Nouveau Mexique, qui vient de passer dix-huit ans en prison pour meurtre. Avec l’aide de son agent de probation chargé de surveiller sa mise à l’épreuve, l’homme tente de reprendre une vie normale, guidé notamment par une foi religieuse récente après sa conversion à l’Islam en prison. Mais rien n’est facile quand on a passé de si longues années derrière les barreaux, et encore moins dans un État comme le Nouveau Mexique.
Rachid Bouchareb s’empare ici d’une histoire et d’un sujet particulièrement forts et sensibles : la rédemption post-carcérale, et par extension la question de l’immigration aux États-Unis (en particulier parce que le film se déroule à la frontière entre le Mexique et les États-Unis). LA VOIE DE L’ENNEMI s’ouvre d’ailleurs sur une scène chargée de tension où le Sherif Bill Agati (interprété par Harvey Keitel) intervient sur une arrestation de clandestins mexicains.
Ce qui est tout à fait notable dans le cinéma de Rachid Bouchareb, c’est qu’il ne juge pas son sujet ni ses personnages principaux. Son film interroge avant tout, questionne les situations qui nous sont données à voir. Il suggère des pistes de réflexion plus qu’il n’impose de ligne de pensée déjà tracée.
Cependant, LA VOIE DE L’ENNEMI choisit globalement l’option de la contemplation plutôt que celle de la réflexion. On en veut pour preuve les nombreux plans larges du film, les grands espaces du désert américain sublimement filmés mais qui souvent, laissent le spectateur un peu pantois.
Le long-métrage suit sans relâche le personnage principal, interprété par Forest Whitaker, presque muet, omniprésent à l’image, mais toujours avec une caméra qui garde ses distances. On retient bien évidemment l’interprétation exceptionnelle d’un Forest Whitaker habité par son rôle, tout en retenu, et dont la rage bouillonnante à l’intérieur de l’homme en quête de lui-même, transparaît à chaque goutte de sueur !
Pourtant, LA VOIE DE L’ENNEMI laisse quelque peu perplexe : sans réel discours de fond, le film évite finalement la complexité de son sujet. Et malgré un casting dans son ensemble de grande qualité (il faut citer aussi Brenda Blethyn, totalement formidable), LA VOIE DE L’ENNEMI semble davantage contempler le talent des comédiens, plutôt que de vraiment creuser les questions qui se posent et restent en suspens.
Admiratif devant les acteurs d’exception qu’il dirige, Rachid Bouchareb semble s’être un peu laissé dépasser par son casting, perdant alors de vue son récit et surtout son sujet. Ainsi, l’histoire ne prend jamais véritablement l’ampleur dramatique et cinématographique attendue, et le dénouement – finalement prévisible – arrive presque par accident.
Malgré ses défauts, LA VOIE DE L’ENNEMI demeure une œuvre intéressante et qui mérite bien plus qu’une simple curiosité. Porté par un Forest Whitaker impérial, et s’appuyant sur une mise en scène d’une grande sérénité et signée d’une maîtrise formelle incontestable, ce film de Rachid Bouchareb apporte une pierre de plus à l’édifice d’un réalisateur qui aime véritablement les acteurs et le cinéma au sens très noble du terme.
LA VOIE DE L’ENNEMI, sortie en France le 07 mai 2014.
[youtube]http://youtu.be/EHxQS3kTsEg[/youtube]
Article rédigé par Elle.
8 réponses sur « LA VOIE DE L’ENNEMI, réalisé par Rachid Bouchareb »
Très bon film, de l’émotion et de la fluidité !
Merci Victoire pour ton commentaire très enthousiaste sur le film, un plaisir à lire 😉
Un film de foliiie, A Voir Absolument !!!
IL nous tient en haleine du début à la fin !
Des sentiments varié entre émotion forte et action dans l’action…
Un film fantastique, de grande qualité !
Bonjour Kévin,
Ton commentaire fait plaisir, nous sommes ravis que tu aies passé un si bon moment au cinéma.
À bientôt sur Go with the Blog 😉
Bon film assez original et bien construit.
Les plans larges reflètent bien les émotions auxquelles est confrontées le protagoniste tout au long du film.
Les personnages ont chacun leur caractère bien trempé, le shérif est peut être un peu trop caricaturé. Forest Whitaker joue superbement bien ! 🙂
L’histoire en elle même est émouvante et soulève de nombreux questionnements sur l’immigration, la réinsertion des prisonniers dans la société etc…
Ceci je trouve qu’elle aurai pu être approfondie et devenir plus qu’une simple réinsertion qui tourne mal.
Le film reste bon et nous touche d’une façon crescendo !
Par ailleurs, la fin est judicieusement choisie et reflètent tout le film en un seul plan !
Allez le voir si vous pouvez ! Vous ne serez pas déçu. 🙂
Merci à toi Théotime, ton avis est super intéressant et très complet !
Rédemption, pardon, colère, frustration, foi… beaux sujets traités avec finesse et jusque dans des personnages loin d’êtres des caricatures manichéennes servis par un casting impeccable (décidément après Zulu, F. Whitaker réussi au cinéma fr)
La région désertique et probablement le climat ajoute au rythme contemplatif voulu, ce qui jouera sur l’attente du spectateur (moins « zen » que son personnage principal) et qui en fait un peu la limite qui empêche le film d’être une énorme réussite.
Mais le film infuse encore longtemps après un sentiment de réflexion qui est une marque de qualité supplémentaire.
Bonjour kub57,
Merci d’avoir partagé ton opinion sur ce film qui t’a visiblement beaucoup marqué !
À très bientôt sur Go with the Blog.