On ne voit pas le temps passé, mais le réalisateur américain Gregg Araki fait du cinéma depuis déjà vingt-sept années. Pas forcément ultra prolifique, WHITE BIRD n’est en effet que son onzième film.
Il adapte ici le roman « Un Oiseau Blanc dans le Blizzard » de Laura Kasischke, l’histoire d’une famille américaine moyenne, tout ce qu’il y a de plus ordinaire. La vie s’écoule dans une monotonie permanente, jusqu’au jour où la jeune Kat Connors, âgé de 17 ans, rentre du lycée et constate que sa mère, Eve Connors, a tout bonnement disparu sans laisser la moindre trace. Alors qu’elle découvre au même moment sa sexualité, Kat semble à peine troublée par cette absence et ne paraît pas en vouloir à son père, un homme effacé.
Derrière ce faux thriller familial, WHITE BIRD se révèle en réalité un poétique portrait d’une adolescente qui se découvre femme, sur fond de rêve américain passé au vitriol, comme sait si bien le faire Gregg Araki.
Ce qui est particulièrement plaisant avec WHITE BIRD, ce sont les différents niveaux de lecture qui composent ce film. Surtout, le réalisateur a pris soin de tous les traiter avec le même soin et la même exigence de qualité dans sa mise en scène. Ainsi, WHITE BIRD s’ouvre comme un drame familial où l’on s’attend à suivre une sorte d’enquête ou de jeu de pistes autour de la disparition de la mère de famille, interprétée par Eva Green. On comprend cependant qu’il s’agit là d’un trompe-l’œil, pour mieux nous faire glisser en douceur dans la psyché d’une adolescente en quête d’elle-même. Mais Gregg Araki s’amuse à jouer tout de même la carte du suspense et de la tension, avec un talent de mise en scène qui n’est plus à prouver et dont on se délecte !
Véritable film d’auteur à l’identité très marqué, WHITE BIRD séduit par son rythme faussement lent, et sa photographie où les couleurs sont très appuyées. À cela s’ajoute une plongée dans les années 80 voulue par Gregg Araki lui-même, qui a fait le choix de transposer l’histoire du roman à la toute fin des eighties, alors qu’initialement le récit du livre se déroulait plutôt au milieu des années 80.
Outre les tenues des personnages qui nous rappellent ce que la mode a fait de pire dans les années 80 (sic), c’est surtout la bande son ultra soignée qui fait mouche ! De New Order à The Cure en passant par Cocteau Twins et Joy Division, c’est le réalisateur Gregg Araki qui a tenu à composer la playlist de son film. Pour le reste de la bande originale, elle est composée par Robin Guthrie (musicien co-fondateur du groupe Cocteau Twins justement), qui avait déjà travaillé avec le metteur en scène pour MYSTERIOUS SKIN et KABOOM.
Totalement captivé par cette histoire qui nous emmène toujours là où ne s’y attend pas forcément, le spectateur laisse alors opérer le charme étrange de WHITE BIRD, parfois à la limite du dérangeant.
Gregg Araki fait voler une nouvelle fois en éclats l’image idyllique de l’American Way of Life, et dresse en même temps le portrait d’une adolescente dans toutes ses contradictions, ses hésitations et aussi ses certitudes (sur le sexe, sur ses parents …).
La jeune comédienne Shailene Woodley, omniprésente à l’écran et dans quasiment tous les plans du film, incarne le personnage principal de Kat Connors. Première véritable incursion dans le cinéma d’auteur pour celle qui a acquis une célébrité mondiale avec la saga en cours DIVERGENTE, l’oiseau Shailene Woodley prend son envol et fascine. L’actrice se fond merveilleusement dans les habits de son personnage, et surtout d’une époque qu’elle n’a même pas connue. Elle confirme une fois encore, tout le bien qu’on pense d’elle !
Face à elle, on retrouve l’actrice française Eva Green, métamorphosée, troublante, inattendue. Elle est à la fois sublime en épouse et mère au foyer modèle, et en femme au bord de la crise de nerfs qui finit par perdre totalement pieds.
Dans cette atmosphère pesante où plane la disparition d’une femme bien sous tout rapport, WHITE BIRD convoque clairement le fantôme de David Lynch époque BLUE VELVET et TWIN PEAKS. Et ce n’est sans doute pas par hasard si l’actrice Sheryl Lee (inoubliable Laura Palmer dans la série télévisée et le long-métrage TWIN PEAKS) fait une apparition à la fin de WHITE BIRD.
Avec WHITE BIRD, le réalisateur Gregg Araki signe en apparences son film le plus apaisé et le moins violent. Pour autant, il dynamite avec une maestria de tous les instants l’idéal américain, et métaphorise le difficile passage à l’âge adulte, dans une mise en scène virtuose et sans concession. Surtout, il offre deux rôles sublimes à Shailene Woodley et à Eva Green, qui elle tient là une de ses meilleures prestations.
WHITE BIRD, sortie en France le 15 octobre 2014.
[youtube]http://youtu.be/Z998AFJEjiA[/youtube]
Article rédigé par Elle.
8 réponses sur « WHITE BIRD : l’oiseau Shailene Woodley prend son envol »
En préambule, si je trouve Araki original dans la forme et le fond, son cinéma ne me touche pas plus que ça.
Son dernier film est plus classique et plus sage.
En apparence seulement. Derrière le verni, vivent des êtres de chair et de sang dont Araki ne se prive pas d’exploité le potentiel.
Il y a du Lynch comme évoqué dans les critiques et reconnu par le réal, jusque dans une musique qui bien que différente me rappelle le velouté doucereux de Badalamenti dans certains passages.
Mais le film me fait aussi songer a American beauty dans ce regard sur les apparences trompeuses. On pourrait aussi trouver des rapprochements avec le récent Gone girl, là aussi une femme disparaît, sur l’usure du couple, rien que pour souligner que le film le sérieux de la chose, a la sauce Araki qui y ajoute les conséquences et les troubles sur l’ado de la maison.
L’esthétique du metteur, moins fluo ici, colle au sujet. Les acteurs sont tous épatants, avec sa petite jeune qui monte, et le seul regret de ne pas y voir plus de E. Green, femme au bord de la crise de nerf.
Plus accessible, mainstream et sombre, mon Araki préféré.
S’il reste encore des séances prés de chez vous (clin d’œil), n’hésitez pas.
Bonjour widescreen,
Quelle belle analyse sur WHITE BIRD, et des références très justes !
Je n’ai pas pensé à AMERICAN BEAUTY, mais c’est une excellente référence, tu as raison. De même que les points communs avec GONE GIRL.
WHITE BIRD est aussi un film très séxué, sensuel, à la fois dans le langage (Shailene Woodley a des répliques très crues), mais aussi dans certaines images d’Eva Green, les plans sur Shiloh Fernandez (comme dans la piscine), et puis bien sûr la fin du film.
Merci à toi.
Très juste pour le caractère sexué du film (il y en as pour tout le monde). Gros plaisir. A ce titre S. Woodley tient là son rôle adulte en tant qu’actrice (je ne crois pas qu’elle ait été déjà mise en image comme cela). Rafraichissant aussi dans le ciné us, pas de tabous. Je ris déjà de 40 nuances de gris et de ses retakes.
Oops pour mes phrases mal formulées (à rayer que le film entre les mots souligner et le sérieux…)
Tjs de bonnes analyses de film ici qui donnent envies.
Tu as tout à fait raison, c’est le premier rôle « adulte » de Shailene Woodley (même si elle y joue pourtant une lycéenne).
J’ai vraiment apprécié qu’elle aille ainsi s’aventurer dans le cinéma de G.Araki ; et ce que le réal lui a proposé, est super intéressant.
Perso, je crois beaucoup en cette comédienne dont je trouve le parcours jusqu’à présent, intéressant & intelligent. C’est aussi pour cela que j’avais eu envie de lui consacrer un article > http://gowith-theblog.com/shailene-woodley-2014/
Merci à toi ; )
Très bonne critique !
En effet, avec White bird, adapté d’un roman de l’écrivain Laura Kasischke, Gregg Araki signe un film hypnotique à l’atmosphère singulière sublimé par une bande originale envoûtante ainsi qu’un casting irréprochable, à commencer par Shailene Woodley, parfaite dans le rôle d’une jeune femme qui entre peu à peu dans l’âge adulte, en parallèle avec la disparition de sa mère, une housewife au bord du gouffre, interprétée par une Eva Green fascinante.
Hello Vertigo60,
Merci d’être venu apporter ton avis sur le film.
Ça nous fait plaisir de lire de si bons retour sur WHITE BIRD, car on a vraiment adhéré complètement à cette nouvelle réalisation de G.Araki. Dommage que le public se soit peu déplacé pour le voir en salles par contre 🙁
[…] peut-être pas sa meilleure performance d’actrice ici (on la préfère sans hésitation chez Gregg Araki par exemple), mais elle tient plutôt bien la barre. Son partenaire Theo James a encore du mal à […]
[…] prochain, on retrouve la comédienne dans la nouvelle réalisation très attendue de Gregg Araki, WHITE BIRD (titre original WHITE BIRD IN A BLIZZARD). Une nouvelle fois, il s’agit de l’adaptation […]