Pour son vingtième long-métrage au cinéma, le réalisateur français André Téchiné s’empare d’un fait divers qui a défrayé la chronique, et qui ne cesse de connaître encore de nouveaux rebondissements, plus de trente années après les faits. L’HOMME QU’ON AIMAIT TROP revient sur la fameuse affaire Agnès Le Roux, du nom de cette jeune héritière de la Côte d’Azur dont la mère, Renée Le Roux, possédait un Casino, le Palais de la Méditerranée. Agnès veut récupérer sa part de l’héritage familial et ainsi s’émanciper, alors que dans le même temps sa mère fait tout son possible pour sauver de la faillite le Casino qui a connu des pertes sèches très importantes.
Agnès s’entiche alors de Maurice Agnelet, l’avocat et homme de confiance de Renée Le Roux. Maurice se laisse séduire par la jeune femme, et lorsqu’il tombe en disgrâce aux yeux de Renée Le Roux, il décide de mettre en relation Agnès avec Fratoni, un mafieux de la Côte d’Azur prêt à tout pour récupérer le Palais de la Méditerranée. Agnès, aveuglée par l’amour qu’elle porte à Maurice Agnelet, se laisse entraîner dans cette malversation à l’égard de sa mère, quitte à la ruiner.
L’affaire Agnès Le Roux est extrêmement complexe pour la principale raison qu’à la disparition mystérieuse d’Agnès en 1977, après que le marché ait été conclu entre elle et Fratoni avec la complicité de Maurice Agnelet, il n’y a plus jamais eu aucune trace de la jeune fille. Aujourd’hui encore, on ignore tout de sa disparition, de sa mort éventuelle, aucun indice et encore moins son corps n’ont jamais été retrouvés. Et le feuilleton judiciaire mené par la bataille acharnée de Renée Le Roux, convaincue depuis toujours de la culpabilité de Maurice Agnelet dans la disparition de sa fille, est toujours d’actualité.
André Téchiné s’attaque donc à un sujet très délicat, bien plus que ne l’avait été LA FILLE DU RER en 2009, un autre film du metteur en scène qui abordait également un fait divers très médiatique mais dont la Justice avait pu venir à bout. Ici, L’HOMME QU’ON AIMAIT TROP prend clairement parti, et se présente comme un récit globalement à charges contre Maurice Agnelet. Interprété par Guillaume Canet qui trouve là un de ses rôles les plus complexes et les plus matures, Agnelet est montré comme un homme à femmes, infidèle, sûr de lui, manipulateur, sans scrupules, et à tendance paranoïaque lorsqu’on le découvre enregistrant systématiquement sur des bandes toutes ses propres conversations téléphoniques.
Cependant, en dépit de ce titre L’HOMME QU’ON AIMAIT TROP, le film de Téchiné est surtout une histoire de femmes. Celle d’Agnès Le Roux tout d’abord, qui retrouve un visage après avoir été pendant toutes ces années un nom, un fait divers. La jeune Adèle Haenel apporte à ce personnage sa force et sa fragilité à la fois. Frondeuse, têtue, mais avant tout amoureuse et donc proie facile, le personnage d’Agnès intrigue lorsqu’on la voit aussi déterminée à profiter de l’argent de son héritage, quitte à spoiler sa propre mère. Adèle Haenel n’est pas toujours dans la justesse la plus absolue avec cette partition difficile. Et l’on peut regretter aussi que le réalisateur ne se soit pas attardé davantage sur la relation sensuelle et affective entre Agnès et Agnelet, et sur la description de l’emprise de l’avocat sur la jeune femme.
Et puis il y a Catherine Deneuve, dont c’est ici la septième collaboration avec André Téchiné ! Cheveux blancs, toujours très apprêtée, tenues ultra chic de la grande bourgeoisie de la Côte d’Azur, l’actrice fait de son personnage de Renée Le Roux une femme de plus en plus seule, terriblement seule, et isolée. Trahie par son homme de confiance et surtout par sa propre fille, on la voit garder la tête haute en toutes circonstances, mais avec les yeux toujours aux bords des larmes.
Pendant la première moitié du film, on ressent tout ce qu’intériorise cette femme qui ne veut rien laisser paraître. Solide à l’extérieur, elle est en miettes à l’intérieur d’elle-même, et regarde, impuissante, sa fille se laisser emporter par un amour déraisonné et subir l’emprise d’un homme cupide.
Magistrale Catherine Deneuve comme toujours, elle nous bouleverse absolument dans la dernière partie du film où, en mère courage dont le deuil de sa fille est impossible, elle lutte sans relâche pour faire condamner celui qu’elle considère comme l’assassin d’Agnès.
L’HOMME QU’ON AIMAIT TROP ne vient ni résoudre une énigme judiciaire ni clore un fait divers qui n’a sans doute pas fini de connaître des rebondissements dans les années à venir. Mais avec son long-métrage, André Téchiné replace avant tout les individus au cœur du récit, un triangle énigmatique entre amour, haine et trahison. Le réalisateur y retrouve ses thèmes fétiches, et une nouvelle fois, avec le savoir-faire qui est le sien et l’intelligence d’une mise en scène au plus près des personnages, il focalise son attention sur le drame des passions humaines, dessinant alors le portraits de deux femmes fragiles, chacune à leur manière.
L’HOMME QU’ON AIMAIT TROP, sortie en France le 16 juillet 2014.
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Article rédigé par Elle.
3 réponses sur « L’HOMME QU’ON AIMAIT TROP, réalisé par André Téchiné »
Alors je l’ai bien aimé malgres les critiques très mitigées un peu partout .
C’est vrai que ça peut paraître un peu trop linéaire comme film.
J’ai bien aimé aussi car enfin je sais toute l’histoire de cette affaire depuis le temps qu’on en parle .
Mais juste envie de dire « tout ça encore à cause d’un mec » (désolé lol)
Salut,
Merci de nous faire partager ton avis sur le film 😉
La réalisation est très classique, mais ça ne veut pas dire pour autant qu’elle est ennuyeuse. Téchiné maîtrise évidemment son sujet, et propose surtout une direction d’acteurs impeccable !
[…] Cailley doit beaucoup au formidable jeu de ses comédiens. Adèle Haenel (vue récemment dans L’HOMME QU’ON AIMAIT TROP) incarne merveilleusement ce personnage de Madeleine, obnubilée par la fin du monde. Froide, dure […]